Le Sénat a commencé cette semaine à examiner en séance, le projet de loi sur la transition énergétique, après avoir depuis novembre, travaillé ce texte dans les différentes Commissions.
D’ores et déjà, et grâce à sa nouvelle composition issue du renouvellement sénatorial de septembre 2014, le Sénat fait preuve, dans un contexte politique contraint, d’une hardiesse certaine : les choix mis en avant par la Haute Assemblée pourraient constituer la base d’une future politique de l’énergie, telle qu’elle pourrait se mettre en place en 2017 à la faveur d’une alternance.
Quatre dispositions qui freinent le développement des éoliennes
Je retiendrais quatre dispositions qui devront être au cœur de la nécessaire remise à plat de la politique du développement de l’éolien en France. Retour des Zones de développement éolien pour permettre une planification réelle des installations éoliennes. Depuis la suppression des ZDE en 2012, nous observons un développement anarchique des projets éoliens. Le paysage à grande échelle n’est jamais pris en considération et on observe un éclatement des dossiers, pour justement éviter d’avoir à se prononcer sur un paysage d’ensemble. Le Sénat a adopté.
Retour de la limite des cinq mâts minimum, afin d’éviter le mitage des paysages par des projets isolés. La limite de 5 mâts était instituée pour éviter des projets à 1 ou deux mâts, qui polluent inutilement le paysage, sans faire la preuve d’une réelle efficacité énergétique. Le Sénat a adopté.
Mise en place d’une distance minimale proportionnée à la hauteur des mâts. Depuis 10 ans, les éoliennes ont connu une croissance spectaculaire en taille, notamment dans les zones peu ventées. Nous voyons maintenant des projets à 180, 185 et même 200 mètres de haut. La limite de 500 mètres instituée en 2010 est devenue dérisoire pour les riverains des parcs éoliens, alors que plusieurs études médicales mettent en évidence les effets nocifs des éoliennes sur la santé. La règle HX10 mise en place en Bavière a servi de modèle à cette initiative sénatoriale : le Sénat a adopté une limite minimale de 1000 mètres. Il est intéressant de voir que c’est un amendement du Groupe socialiste qui a été retenu, malgré un avis défavorable du gouvernement : la ministre attend la publication du rapport de l’ANSES dans huit mois pour se prononcer !
Traduction dans la loi, de la circulaire Albanel de septembre 2008, qui prévoyait l’exclusion des installations éoliennes dans un rayon de 5 km autour des Monuments Historiques et leur examen scrupuleux dans un rayon de 10 km, avec la prise en considération des "cônes de visibilité". La prise en compte du patrimoine, inscrit, classé et Patrimoine mondial Unesco est en effet un vrai défi, avant que tous nos paysages ne se retrouvent impactés par des installations éoliennes, alors que la France est la première destination touristique du monde en raison notamment de son patrimoine et de ses paysages préservés : éoliennes ou patrimoine, il faut choisir ! Bravo au Sénat d’avancer en pionnier dans cette direction. Ces dispositions n’ont pas été retenues, mais c’est la première fois que le sujet venait en discussion au Parlement.
Eolien : le Sénat s'oppose à l'Assemblée
Le Sénat utilise ici avec habileté, son rôle de contrepoids dans nos institutions, en arpentant des sentiers peu fréquentés par le législateur : c’est tout à son honneur. Il n’empêche qu’à l’Assemblée, les jeux sont clairement en faveur du lobby éolien qui a fait tout ce qu’il fallait pour voir sauter tous les derniers verrous au développement de l’éolien, sans que des considérations aussi oiseuses que la santé des riverains ou la beauté des paysages et les perspectives monumentales des fleurons de notre patrimoine entrent en ligne de compte…Aussi est-il inéluctable que la Commission Mixte paritaire et la nouvelle lecture mettront en pièces le travail du Sénat.
Il n’en demeure pas moins que le travail du Sénat est une base de travail intéressante pour la reconstruction indispensable de la politique énergétique après 2017. Il a aussi le mérite de montrer au lobby éolien, quelles sont les limites de son influence et que le bon sens peut aussi reprendre ses droits, tôt ou tard. Il faut que le lobby éolien se prépare à des temps difficiles…