Risque de surproduction d’électricité : quand le mieux est l’ennemi du bien

Vincent Berger, Haut-commissaire à l’énergie atomique, a récemment alerté sur un excédent de production d’électricité qui pourrait engendrer des déséquilibres économiques et industriels majeurs.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Modifié le 4 mars 2025 à 16h52
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Alors que le pays prévoit une montée en puissance du nucléaire et des énergies renouvelables, la consommation d’électricité ne suit pas la même trajectoire. Cet écart entre l’offre et la demande risque de générer un déséquilibre structurel aux conséquences politiques et économiques non négligeables.

Un excès de production d'électricité qui soulève des incohérences politiques

Le Haut-commissaire à l’énergie atomique a adressé un avertissement clair : la stratégie actuelle de production d’électricité pourrait créer un surplus difficilement écoulable sur le marché national et européen. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit une production d’électricité atteignant 692 TWh d’ici 2035, alors que la consommation nationale peine à retrouver ses niveaux d’avant la crise sanitaire.

Vincent Berger met en avant un point central : une surproduction prolongée entraîne une perte de rentabilité des investissements et une instabilité du marché de l’énergie. Contrairement aux hydrocarbures qui peuvent être stockés, l’électricité doit être consommée immédiatement ou injectée sur un réseau capable de la distribuer efficacement. La question des infrastructures devient alors un enjeu politique crucial.

L’Europe entre contradictions et impuissance face aux surplus d'électricité

Cette situation met en lumière les incohérences des politiques énergétiques européennes. L’Union européenne encourage activement le développement des énergies renouvelables pour atteindre ses objectifs climatiques de 2030 et 2050. Mais dans le même temps, les capacités de stockage et d’interconnexion entre États membres ne sont pas suffisamment développées pour absorber ces nouveaux flux d’électricité.

Aujourd’hui, la France exporte déjà une part importante de sa production vers ses voisins, notamment vers l’Italie, l’Allemagne et la Belgique. Mais ces pays accélèrent eux aussi leur transition énergétique et cherchent à devenir plus autonomes, ce qui pourrait limiter la demande en électricité française sur le marché européen.

L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 impose aux États membres d’électrifier massivement leurs industries et leurs transports. Or, selon les projections actuelles, les infrastructures européennes ne sont pas adaptées pour absorber une surproduction d’électricité aussi rapide. Ce décalage met en évidence l’absence d’une politique énergétique cohérente à l’échelle de l’UE.

Le photovoltaïque au cœur des tensions

Un autre point de friction soulevé par Vincent Berger concerne le développement rapide du photovoltaïque en France. Cette filière est particulièrement encouragée par Bruxelles et par les subventions publiques nationales. Cependant, le solaire est une énergie intermittente, qui produit de l’électricité en abondance durant la journée mais n’est pas disponible la nuit, sauf si elle est couplée à des solutions de stockage coûteuses.

Le problème est que la PPE prévoit une forte montée en puissance du photovoltaïque sans garantie que cette production puisse être absorbée efficacement. Vincent Berger recommande une révision à la baisse des objectifs dans ce secteur, arguant que le développement des infrastructures de stockage et d’optimisation du réseau ne suit pas le même rythme.

Une transition énergétique sous contrainte économique

Si la surproduction électrique devient un problème structurel, les conséquences économiques pourraient être lourdes. Un excédent d’offre entraîne mécaniquement une baisse des prix sur le marché de gros, ce qui pourrait fragiliser les producteurs d’électricité et remettre en question la rentabilité des nouvelles infrastructures.

À cela s’ajoute le coût du soutien aux énergies renouvelables, financé en partie par des subventions publiques et des dispositifs d’obligation d’achat. En cas de surproduction, ces mécanismes peuvent entraîner une augmentation des coûts pour les finances publiques et les consommateurs.

Sur le plan politique, cette situation risque également d’alimenter des tensions entre l’État, les industriels du secteur énergétique et les acteurs économiques concernés par l’électrification de leurs activités. Le Haut-commissaire appelle à une meilleure anticipation des besoins réels en électricité, et à une adaptation des investissements pour éviter de générer une offre excédentaire difficile à gérer.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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1 commentaire on «Risque de surproduction d’électricité : quand le mieux est l’ennemi du bien»

  • Il est tout à fait possible de stocker l’électricité….. En cas de surproduction elle est
    même gratuite. Il faut donc en profiter pour produire de l’hydrogène.
    Mais… Nos chère élites veulent garder leurs privilèges et donc du nucléaire, aucun citoyen ne bénéficie de la baisse des prix. Le peuple est juste bon à être racketté.

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