Taxation injustifiée pour plus d’un million de français : l’échec de « Gérer mes biens immobiliers »

Le lancement en 2023 de l’application « Gérer mes biens immobiliers » devait simplifier la déclaration des biens pour les propriétaires. Mais entre bugs informatiques, incompréhension généralisée et coût astronomique, cet outil s’est transformé en un gouffre financier pour l’État.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 23 janvier 2025 à 12h36
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56,4 millions d’eurosLe coût total de l'application "Gérer mes biens immobiliers" s'élève à 56,4 millions d’euros

Le 23 janvier 2025, la Cour des comptes a publié un rapport accablant sur le service en ligne « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI), un outil présenté comme la pierre angulaire de la modernisation de la fiscalité immobilière. Lancée en 2023, cette plateforme devait simplifier la gestion des biens pour des millions de propriétaires français, tout en offrant à l’État des données fiables pour le calcul des taxes locales. Ce qui devait marquer une avancée technologique et administrative s’est rapidement transformé en un véritable casse-tête fiscal.

Entre bugs informatiques, communication insuffisante et erreurs de taxation à grande échelle, les promesses initiales ont laissé place à une gestion chaotique et des dépenses imprévues. En seulement deux ans, ce projet a engendré des coûts astronomiques, atteignant plus d’un milliard d’euros de préjudice pour les finances publiques. Retour sur un fiasco qui révèle les limites d’une réforme précipitée et soulève des questions sur la gestion des outils numériques par l’administration française.

Une application mal préparée pour une réforme fiscale complexe

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2023, la taxe d’habitation sur les résidences principales est supprimée. Cette réforme fiscale majeure a nécessité une mise à jour des données sur les propriétés pour permettre la collecte d’autres taxes, telles que la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et la taxe sur les logements vacants.

L’application GMBI a été conçue pour recueillir ces informations. Accessible via le site impots.gouv.fr, elle obligeait les 24 millions de propriétaires français à déclarer si leurs biens étaient occupés, loués ou vacants. Ce système devait simplifier les démarches et limiter les erreurs administratives. Dès son lancement, les complications ont éclipsé ses intentions.

Un fiasco technique et organisationnel

Dès le printemps 2023, l’application a montré ses limites. Selon le rapport de la Cour des comptes, GMBI souffrait de bugs informatiques fréquents et d’une ergonomie mal adaptée, notamment pour les personnes âgées, souvent éloignées des outils numériques.

Les délais imposés étaient intenables. A seulement deux semaines de l’échéance, les propriétaires recevaient encore des courriers de rappel. Résultat, près de 27 % des logements n’ont pas été déclarés correctement, rendant impossible l’établissement d’une base de données fiable.

Conséquences financières désastreuses

Les erreurs de déclaration ont conduit à une taxation injustifiée pour plus d’un million de contribuables, majoritairement sur les résidences secondaires. Face aux nombreuses réclamations, l’administration fiscale a été contrainte de procéder à des dégrèvements, pour un montant total de 1,3 milliard d’euros en 2023, soit 34 % des recettes escomptées pour ces taxes.

La gestion des réclamations a également entraîné des dépenses supplémentaires, avec le recrutement d’agents temporaires et le développement de solutions correctives. À ce jour, le coût total de l’application, incluant les mesures d’urgence, atteint 56,4 millions d’euros, bien au-delà des 12,7 millions initialement prévus.

Au-delà des chiffres, cet échec technique a sapé la confiance des contribuables envers l’administration fiscale. Les multiples erreurs et le manque de communication ont alimenté une impression d’amateurisme dans un domaine où la rigueur est attendue.

Une réforme encore inachevée

Depuis 2024, des ajustements ont été réalisés, comme la simplification du processus déclaratif. Un formulaire papier est désormais disponible pour les personnes non connectées. Les difficultés techniques persistent et la Cour des comptes avertit que des erreurs significatives subsistent.

La réforme espérait poser les bases d’une modernisation plus large de la fiscalité locale, incluant une éventuelle taxation basée sur les loyers perçus. Mais les données incomplètes compliquent cette ambition. La Cour insiste sur l’importance de fiabiliser les informations foncières pour éviter de nouveaux dérapages budgétaires.

L’application « Gérer mes biens immobiliers » illustre comment un projet ambitieux peut échouer sans préparation adéquate et communication efficace. Si des progrès sont en cours, l’épisode de 2023 laisse une lourde facture à l’État et rappelle l’urgence d’une réforme administrative plus rigoureuse.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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