François Bayrou, nommé Premier ministre fin 2024, doit composer avec un paysage politique fracturé autour de la réforme des retraites et du budget 2025.
Réforme des retraites : l’équilibre instable du gouvernement Bayrou
Depuis le 23 décembre 2024, le gouvernement de François Bayrou s'efforce de naviguer dans un contexte inédit : l'absence de loi de finances pour la nouvelle année. Alors que la réforme des retraites, pierre angulaire du programme gouvernemental, cristallise les tensions, la possibilité d’une suspension temporaire fait débat.
Une réforme des retraites contestée de toutes parts
La réforme des retraites, introduisant l'âge légal de départ à 64 ans, reste au cœur des débats. Cette mesure, présentée comme essentielle pour assurer la pérennité du système, divise les partis politiques et l'opinion publique. Le PS propose ainsi une suspension de six mois afin de laisser place à une renégociation. Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, souligne que « ce gel permettrait d'éviter une censure immédiate et de redéfinir un projet acceptable par toutes les parties ».
Cependant, cette stratégie n'est pas partagée par tous. Les Républicains (LR), sous l’égide de Laurent Wauquiez, dénoncent une manœuvre visant à fragiliser les réformes structurelles nécessaires, tandis que le Rassemblement National (RN) réclame une remise à plat complète du système.
Un budget en suspens : les partis jouent leurs cartes
Le gouvernement de François Bayrou se heurte également à l’urgence d’un budget 2025 encore inexistant, une situation inédite depuis plus de quarante ans. Le Premier ministre a choisi de reprendre les textes controversés de son prédécesseur, Michel Barnier, ce qui n’a fait qu’attiser les divisions au sein du Nouveau Front Populaire.
François Bayrou tente de rallier une majorité en jouant sur tous les tableaux, des discussions avec la gauche, qui exige des garanties sociales, aux compromis demandés par les conservateurs. La gauche conditionne son soutien à un gel de la réforme des retraites et à une revalorisation des petites pensions, une mesure jugée « insuffisante » par les syndicats. Invité sur Sud Radio, Jérôme Guedj, porte-parole du PS, a rappelé l'importance de conserver la retraite par répartition.
Une stratégie risquée mais nécessaire
Le contexte budgétaire tendu pousse François Bayrou à prendre des décisions impopulaires. Ainsi, le recours au Fonds de réserve des retraites pour financer la suspension de la réforme est envisagé. Ce fonds, initialement conçu pour amortir les chocs démographiques, pourrait servir d’outil politique pour calmer les oppositions.
Les communistes, représentés par Fabien Roussel, ont toutefois exprimé leur scepticisme lors d’une rencontre avec le ministre de l’Économie. Ils dénoncent une gestion court-termiste et demandent un élargissement des ressources fiscales sur les hauts revenus pour renforcer les caisses de l’État.
Le poids des retraites sur le budget de l'Etat
Année après année, le système des retraites se fait de plus en plus insoutenable. A cause du vieillissement de la population, les actifs doivent cotiser aujourd'hui bien plus que leurs aînés hier. Ainsi, les retraités actuels, lorsqu'ils travaillaient, supportaient à quatre la pension d'un seul retraité. De quoi répartir le montant des pensions en cotisations relativement faibles. Aujourd'hui, 1,7 actif finance la pension d'un retraité. Les cotisations sont donc beaucoup plus importantes.
De plus, les cotisations doivent sans cesse augmenter à cause de l'inflation. Jusqu'en 1993, les pensions de retraite étaient indexées sur les salaires. Ainsi, lorsque les salaires augmentaient, les pensions augmentaient également, et la charge pesant sur les actifs restait stable. En 1993, le système a changé et les retraites ont été indexées sur l'inflation. Les salaires doivent donc supporter des prix de plus en plus élevés et des pensions à l'avenant. Une charge de plus en plus insoutenable. Aujourd'hui, certaines personnalités appellent à la diminution des pensions de retraite et au passage à la capitalisation pour sortir d'un système qui montre ses limites. Quant à la désindexation, elle divise largement les partis.
Des perspectives floues mais décisives
Le discours de François Bayrou attendu dans les prochains jours sera déterminant. En suspendant temporairement la réforme, le gouvernement espère désamorcer les tensions et éviter une motion de censure. Cependant, ce pari pourrait coûter cher politiquement, surtout si les opposants jugent les concessions insuffisantes.
Toucher aux retraites, c'est la ligne rouge de beaucoup sur la scène politique, notamment parce que les retraités sont une partie importante de l'électorat. Or, les autres solutions qui s'offrent au gouvernement s'amenuisent, au point qu'il devra peut-être solliciter les retraités pour faire face à la dette.