Tenues militaires : la fin du “made in France” actée ?

L’armée française a attribué un contrat stratégique à Paul Boyé Technologies pour la fabrication de ses uniformes. Derrière cette décision, qui semble valoriser un savoir-faire national, se cache une réalité plus contrastée : la confection des tenues pourrait être largement réalisée à l’étranger, à Madagascar.

Cropped Favicon.png
Par Grégoire Hernandez Publié le 3 février 2025 à 11h11
tenues-militaires-fin-made-in-france

"Made in France", mais jusqu'où ? Le 31 janvier 2025, le ministère des Armées a confirmé que Paul Boyé Technologies, entreprise spécialisée dans la fabrication d’équipements pour les forces de sécurité, serait le nouveau fournisseur des tenues de l’armée française. Si le gouvernement met en avant un gage de "haute qualité" et assure que 90 % de la valeur ajoutée sera réalisée en France, le concurrent évincé, Marck et Balsan, dénonce un choix qui pourrait conduire à une externalisation massive de la production.

Tenues militaires : un appel d’offres disputé

Ce marché public, attribué après un appel d’offres en février 2024, avait suscité une vive opposition de Marck et Balsan, qui en était jusque-là le détenteur. L’entreprise a intenté un recours devant le tribunal administratif de Versailles, contestant la décision au motif qu’elle entraînerait la fermeture d’une usine à Calais. Cependant, la justice a confirmé l’attribution du contrat à Paul Boyé Technologies.
Si ce contrat s’élève à environ 26 millions d’euros hors taxes, contre près de 70 millions d’euros pour l’offre concurrente, cette différence de prix soulève des interrogations sur les conditions de production. Le concurrent déchu accuse Paul Boyé Technologies d’avoir réduit ses coûts en s’appuyant sur la confection à Madagascar.

Derrière la promesse d’une fabrication nationale, la réalité est plus nuancée. Si Paul Boyé Technologies emploie 300 personnes en France, le groupe possède également un site de production à Madagascar, qui compte près d’un millier de salariés. Pour Marck et Balsan, il ne fait aucun doute que la majorité des uniformes y seront produits, avant d’être acheminés par bateau ou avion en France.
"Notre concurrent ne fait pas 10 % en délocalisation, mais 100 %", s'insurgeait Laurent Marck, directeur général de l’entreprise perdante.

Un savoir-faire français préservé ?

Le ministère des Armées assure que ce marché contribue au maintien des compétences industrielles en France. L'usine de Labarthe-sur-Lèze, où Paul Boyé Technologies est implanté, près de Toulouse, emploie 200 salariés et continuera de jouer un rôle central dans la fabrication. Cependant, cette préservation d’un tissu industriel français ne compense pas la fermeture du site de Calais, qui employait des ouvriers hautement qualifiés.
L’argument de la compétitivité revient souvent dans ce type de marché public. Paul Boyé Technologies défend son choix en affirmant que "dans un espace mondial, il faut suivre", sous-entendant ainsi que la relocalisation totale serait difficilement réalisable.

La confrontation entre Paul Boyé Technologies et Marck et Balsan ne date pas d’hier. En 2024, la première avait tenté de contester l’attribution du marché des uniformes de la Police nationale et de la Gendarmerie à son concurrent, mais la justice avait rejeté son recours.
Si l’attribution du marché à Paul Boyé Technologies respecte les règles des appels d’offres, elle illustre un dilemme plus large entre compétitivité et souveraineté. D’un côté, le ministère des Armées justifie son choix par des critères de qualité et de maîtrise des coûts, de l’autre, la délocalisation d’une partie de la production suscite des critiques sur l’abandon progressif du "Made in France".

Suivez-nous sur Google News PolitiqueMatin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Aucun commentaire à «Tenues militaires : la fin du “made in France” actée ?»

Laisser un commentaire

Les Commentaires sont soumis à modération. Seuls les commentaires pertinents et étoffés seront validés. - * Champs requis