ZFE : le gouvernement choisit les subventions européennes plutôt que les Français

Alors que la fronde parlementaire s’intensifie contre les Zones à Faibles Émissions (ZFE), le gouvernement s’entête à maintenir le dispositif dans certaines grandes agglomérations. Mais derrière cette législation, jugée antisociale et d’écologie punitive par les automobilistes français, se joue un bras de fer institutionnel à plusieurs étages.

Axelle Ker
By Axelle Ker Last modified on 4 avril 2025 12h53
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ZFE : le gouvernement choisit les subventions européennes plutôt que les Français - © PolitiqueMatin

Le 26 mars 2025, en commission spéciale de l’Assemblée nationale, un amendement du projet de loi de simplification a été adopté. Soutenu par le Rassemblement national, l'UDR (Ciotti) et les Républicains, celui-ci visait à supprimer l’obligation nationale d’instaurer des ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, mettant ainsi fin à un dispositif jugé injuste, inefficace et socialement explosif. Saluée par les automobilistes et de nombreux élus locaux, le gouvernement s'est empressé de préparer une contre-offensive.

Le gouvernement contrecarre le vote de l'AN sur les ZFE

Le 3 avril 2025, l’exécutif a dégainé son contre-amendement, en réponse au vote des députés de l’Assemblée nationale visant à assouplir et limiter le déploiement des ZFE. Ce texte prévoit de restreindre l’obligation de mise en place des ZFE aux seules agglomérations ayant dépassé les seuils réglementaires de pollution pendant au moins trois des cinq dernières années. Concrètement, cela signifie que seules Paris et Lyon resteraient concernées par l’interdiction de circulation des véhicules classés Crit’Air 3 — c’est-à-dire les essences immatriculées avant 2006 et les diesels immatriculés avant 2011 — interdiction entrée en vigueur le 1er janvier 2025. L'exécutif laisserait ainsi le choix aux collectivités pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants de maintenir ou non leur ZFE. Pour Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, il s’agit de « conserver une base légale pour que les collectivités qui souhaitent continuer à en mettre en place puissent le faire simplement ».

Cet aménagement ne suffit pas à calmer les tensions, loin s'en faut. À droite de l'échiquier politique, les députés dénoncent l'obstination du gouvernement malgré la grogne croissante des automobilistes français - qui n'ont, pour la grande majorité d'entre eux, pas les moyens d'acheter un véhicule jugé moins polluant selon les critères des ZFE - qui perçoivent les ZFE comme de l'écologie punitive et une législation anti-sociale. La gauche, de son côté, reste dès plus prudente, voire divisée, ne sachant trop à qui elle doit accorder son soutien...

Des milliards de subventions européennes en toile de fond

La Commission européenne suit de près le dossier. Et pour cause, une note de la Direction générale du Trésor, datée du 1er avril 2025, alerte sur les risques financiers qu’impliquerait un abandon généralisé des ZFE : la France risquerait en effet de se priver de 3 milliards d’euros de subventions européennes dès 2025, et jusqu’à 40,3 milliards d’euros d’ici fin 2026, dans le cadre du Plan national de relance et de résilience (PNRR) -  et dont est issue la loi Climat et Résilience votée en 2021 (ZFE).

En effet, bien que la grande consultation publique ait révélé que 86 % des participants étaient opposés aux ZFE, la France, dont la dette publique dépasse désormais 3 400 milliards d'euros, a, du moins, selon le point de vue du gouvernement, les pieds et les mains liés. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, l'a d'ailleurs reconnu : « Une suppression enverrait un signal politique négatif à Bruxelles. » CQFD.

Le Conseil constitutionnel sera-t-il appelé à trancher ?

Par ailleurs, il convient de rappeler que, même si l'Assemblée nationale parvenait à contrer le plan du gouvernement, il s’ajoute un autre obstacle à la volonté des Français : le Conseil constitutionnel. En effet, pas besoin d'aller jusqu'à saisir la Cour de justice de l'Union européenne :  si le texte final est considéré comme contraire à la Charte de l’environnement française par les « Sages » — inscrite dans le bloc de constitutionnalité depuis la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 —  ces derniers pourraient juger qu’une suppression des ZFE est .. anti-constitutionnelle ! 

Ce ne serait pas la première fois que le Conseil constitutionnel serait appelé à trancher en vue d'imposer  — ou de modifier une loi — contre l'avis des Français, en témoigne la décision rendue par les « Sages » sur la loi sur l’immigration de 2023, suite à sa saisine du Conseil constitutionnel par le gouvernement... Quoi qu'il en soit, et en attendant, le texte poursuivra son chemin législatif et passera en séance publique à l’Assemblée nationale à partir du 8 avril 2025.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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