2017 : la défaite de la gauche, par Jean-Christophe Cambadélis

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Par VA Press Modifié le 21 février 2022 à 16h14
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Il y a bientôt cinq ans, Emmanuel Macron devenait le huitième Président de la cinquième République. Sonnait alors la fin de la gauche que nous connaissions. Depuis, nous attendons la nouvelle ère de la gauche pour que puisse se dévoiler une nouvelle France. Architecte de la gauche, Jean-Christophe Cambadélis a été un acteur prépondérant du modelage du Parti Socialiste. Premier secrétaire du PS de 2014 à 2017 et vice-président du PS européen, l’ancien député vient de publier « Hier, aujourd’hui et demain » chez VA Éditions. Dans ce « roman de la gauche » il nous confie son parcours ainsi que l’histoire de son parti et de la politique française. A la veille des élections présidentielles, découvrez un extrait de son ouvrage (Pages 9-10-15.) dans lequel il nous rappel sa réaction et celle de la gauche lors du 17 juin 2017.

20 heures 30. La défaite est totale. Après les présidentielles, les législatives ! Je m’exprime devant les Français : « Les électeurs ont voulu donner sa chance au nouveau président, Emmanuel Macron. Ils n’en ont laissé aucune à ses adversaires. Ce soir, le président a tous les pouvoirs : un gouvernement à sa main et un parlement aux ordres… Pour autant, ce triomphe a un côté artificiel. Tous les problèmes de notre pays ne se régleront pas d’un seul coup de balai magique. Chacun devine que cette imposante majorité ne correspond pas à la réalité sociale et politique du pays. Un pouvoir absolu et concentré, exercé en toute verticalité, se heurtera inéluctablement à cette contradiction.... Monsieur le Président, la France a besoin d’écoute pour affronter ses défis et de confiance pour faire valoir ses atouts. Elle a donc besoin de dialogue social, d’intelligence collective, de ses corps intermédiaires comme de ses territoires. Oser plus de démocratie, voilà ce dont la France a besoin. Voilà le programme de travail qui doit, désormais, occuper la gauche… La gauche doit tout changer, la forme comme le fond, ses idées comme ses organisations. La gauche doit ouvrir un nouveau cycle. »

J’avais à cet instant tout en tête, l’histoire du Parti Socialiste et mon histoire dans cette histoire…

***

J’arrive ce 18 juin vers 18 heures au siège du Parti Socialiste, les locaux de Solférino sont déserts. Je parcours lentement la galerie de portraits des différents Premiers secrétaires depuis la Seconde Guerre mondiale, m’arrêtant sur chaque visage, me remémorant les heures de gloire et les défaites, la mort récente de Pierre Mauroy, de Michel Rocard et d’Henri Emmanuelli. Ces trois disparitions démontrent, s’il en est besoin, que nous avons changé d’époque. Je monte le grand escalier qui accède au premier étage. Une certitude me gagne, cette famille politique qui a fait la France ne doit pas disparaître.

C’est dans cet état d’esprit que je rédige ma déclaration d’un seul trait. Je pense déjà à l’indépendance politique du parti qui doit se refonder dans une autonomie vis-à-vis d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon. Je sais aussi que, pour ne pas sombrer financièrement, il faudra vendre Solférino, lieu de tant de passions socialistes où je suis entré pour la première fois en septembre 1980 à 9 heures du matin.

[…]

Tout a changé depuis ces années-là. La gauche, non ! Son impression rétinienne reste celle des années 70 avec des concepts forgés dans les années 60. Elle ne s’est toujours par remise de l’éclatement du bipartisme à la suite de la victoire d’Emmanuel Macron en 2017, bipartisme qui avait déjà été mis à mal par le Front national et Jean-Luc Mélenchon.

Oui, tout a changé ! La révolution de l’immatériel, qui modifie le modèle de production capitaliste. Le défi lancé à l’humanité par la question climatique. Les données géopolitiques, avec l’effondrement de l’Union soviétique qui était, qu’on le veuille ou non, l’arrière-plan de la gauche, le basculement vers le Pacifique, la conversion de la Chine au capitalisme d’État. L’effondrement de la gauche communiste et, au-delà, du messianisme de gauche. Le recul du catholicisme. La montée de l’individualisme consommateur. L’urbanisation avec la fin de la France paysanne et de ses valeurs. Les nouveaux problèmes sociaux, les ghettos urbains, l’insécurité, le terrorisme, l’islam. Tous ces phénomènes mettent à jour de nouveaux concepts comme l’intégrité humaine, la société décente. Bref, la gauche doit tout repenser. Sa défaite sans appel lors de la présidentielle de 2017 marque le point final du confort d’Epinay qui a fini par abaisser le centre de gravité intellectuel du Parti Socialiste devenu la simple synthèse de son camp alors que l’on entre dans le temps des thèses. Il nous faut maintenant dire ce que l’on pense sur chaque sujet, répondre à chaque question et, surtout, définir quelle nouvelle société nous voulons. En un mot, changer la gauche pour changer la France.

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