Le jeudi 3 avril 2025, la cour administrative d’appel de Nancy a officiellement annulé les arrêtés du préfet des Ardennes autorisant l’exploitation de 63 éoliennes sur le site du Mont des Quatre Faux. Cet arrêt, qui concerne l’un des projets d’éoliennes terrestres les plus ambitieux de France, relance le débat sur l’implantation des parcs industriels dans des zones rurales déjà saturées.
La justice bloque le plus grand projet éolien de France

Un « effet d’encerclement et de saturation visuelle » trop important
Le projet éolien défendu par EDF Renouvelables et Renner Énergies visait l'installation de 63 éoliennes réparties à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Reims, dans les Ardennes, avec une capacité de 226 mégawatts (MW). Cette puissance, équivalente à la consommation annuelle de 249 000 habitants, aurait constitué le plus important parc éolien terrestre jamais autorisé sur le territoire français. Mais le gigantisme a ses revers.
Selon la décision judiciaire, les habitants de la région auraient été confrontés à un « effet d’encerclement et de saturation visuelle », causé par une concentration anormale d’éoliennes dans un rayon de dix kilomètres. Ni les caractéristiques du relief, ni la végétation, ni les dispositifs d’atténuation visuelle n’auraient permis de masquer l’impact paysager de cette forêt métallique.
Une absence d'étude acoustique
Dans un communiqué rendu public et partagé par France Bleu, la cour administrative d’appel de Nancy précise que « ni le relief, ni la végétation, ni des mesures de réduction pourraient masquer les éoliennes prévues par le projet et atténuer les effets d'encerclement et de saturation visuelle pour les habitants ». Le projet ne pouvait donc pas prétendre à une intégration paysagère jugée acceptable.
À cette critique paysagère s’ajoute une autre faiblesse technique. L'absence d’étude acoustique actualisée, pointée en mars 2023 par l’Agence régionale de santé (ARS), qui avait émis un avis défavorable. Un détail lourd de conséquences, lorsque l'on connaît les normes strictes encadrant l'installation des infrastructures énergétiques en milieu rural.
La saturation des territoires, un frein invisible au développement éolien
Cette décision relance une problématique récurrente dans le développement des énergies renouvelables, la saturation locale des territoires. Au 31 mars 2023, le parc éolien français comptait 2.296 éoliennes terrestres et 496 éoliennes en mer, selon les données du Ministère de la transition écologique et de la cohésion du territoire. L’implantation de ce nouveau projet aurait transformé ce corridor énergétique en muraille visuelle, selon les termes employés par les riverains et les associations environnementales entendues par la cour.
Ce rejet judiciaire illustre une fatigue territoriale croissante vis-à-vis des projets industriels perçus comme imposés « d’en haut ». Il questionne aussi l’approche adoptée par les grands énergéticiens. EDF, pourtant habituée à intégrer les contraintes réglementaires, a-t-elle sous-estimé l’impact cumulatif de ses projets dans cette zone déjà dense ?
Quel avenir pour les éoliennes et le parc du Mont des Quatre Faux ?
Avec cette annulation, le projet du Mont des Quatre Faux subit un revers majeur. Toutefois, la procédure n’est pas encore terminée. Les porteurs du projet disposent de deux mois pour former un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. En attendant, les ambitions de production d’électricité verte dans le secteur sont suspendues.
Cette affaire pourrait bien faire jurisprudence. L’approche cumulative de l’impact visuel, souvent minimisée, a ici été placée au cœur de la décision de justice. Une ligne rouge semble avoir été franchie, rappelant que le déploiement des énergies renouvelables ne peut s’opérer en dehors du consentement des territoires concernés.