Et si, faute de murs, la République délocalisait sa prison ? Macron l’a lâché en direct sur TF1 le 13 mai 2025 face au maire de Béziers, Robert Ménard. Darmanin l’avait déjà confirmé dans les colonnes du JDD il y a quelques semaines. Et à la Chancellerie, on ne nie plus : la France envisage de louer des cellules à l’étranger.
Jusqu’où ira la France pour faire de la place en prison ?

Surpopulation en prison : une spirale hors de contrôle
Le paysage carcéral français est aujourd’hui en saturation permanente. Au 1ᵉʳ avril 2025, 82 921 individus étaient incarcérés pour seulement 62 358 cellules disponibles. Soit un taux d’occupation de 133 %, bien au-dessus du seuil maximum. L’été approchant, les tensions s’annoncent encore plus fortes : 5 000 matelas sont déjà posés au sol. Pour Gérald Darmanin, la situation est « intenable ». Il l’a répété dans le Journal du Dimanche le 20 mars 2025 : « Je suis cela de près et je cherche des pays à visiter dans cette optique ».
Et les chiffres sont implacables : un quart de la population carcérale est étrangère, soit 20 000 condamnés. C’est sur cette catégorie que l’exécutif entend agir. Une manière d’alléger le fardeau sans toucher à la politique pénale nationale ? Peut-être. Mais le message est clair : l’État n’a plus le luxe de temporiser.
C’est le Danemark qui a ouvert la voie. En 2024, Copenhague a signé un accord avec le Kosovo pour y transférer 300 détenus étrangers sur dix ans, contre 210 millions d’euros. Une pratique qui inspire aujourd’hui la France. D’après Le Figaro, les autorités explorent des solutions similaires en Europe de l’Est, avec un objectif prioritaire : les ressortissants étrangers. Ce choix n’est pas anodin : il évite toute critique directe sur le traitement des citoyens français, tout en répondant à la saturation chronique.
Mais les obstacles sont nombreux. Le droit français, très protecteur pour les personnes incarcérées, est difficilement transposable. Activités, éducation, accès aux soins : le modèle hexagonal est lourd, complexe, et peu compatible avec les structures étrangères. « Depuis 1980, le droit français pénitentiaire est devenu totalement cosmique par rapport à la plupart des équivalents européens », rappelle un directeur de prison, cité dans Le Figaro.
Louer des cellules : une réponse durable ou un aveu d’échec ?
Rien n’est encore tranché, mais tout est étudié. La direction de l’administration pénitentiaire et celle des affaires criminelles planchent sur le cadre juridique. « Notamment si nous pouvons faire cela à droit constant ou, au contraire, s’il faut une loi », confie un proche du dossier. En coulisses, la machine s’active : volumes à transférer, budgets à mobiliser, cahiers des charges à rédiger. Public ou privé ? Le flou reste total sur l’opérateur à qui confier cette externalisation pénale.
Les doutes sont nombreux. « Ce n’est pas la marque d’un grand pays que d’envoyer ses détenus ailleurs que sur son territoire national », a dénoncé Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, sur BFMTV. Et d’ajouter : « On va droit dans le mur ».
Le précédent belge entre 2010 et 2016 (650 détenus transférés à Tilburg, aux Pays-Bas, pour 300 millions d’euros) a laissé un goût amer. La mesure avait soulagé à court terme, mais Bruxelles a dû construire trois établissements peu après pour reprendre la main. Même logique aujourd’hui ? La France accélère déjà la création de 3 000 places en préfabriqué.
Mais l’urgence ne doit pas occulter les fondamentaux. Est-il légitime de sous-traiter un pouvoir régalien à des pays tiers ? Peut-on imposer à un détenu français une incarcération à 2 000 km, sans garantie sur les conditions ?