Aéroports de Paris : les frontières seront-elles vraiment privatisées ?

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Par Frédéric Richard Modifié le 5 avril 2019 à 18h40
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100 millionsLes aéroports parisiens ont franchi en 2017 la barre des 100 millions de passagers annuels

Dans le cadre de la récente annonce de la privatisation du Groupe ADP, la sécurité aux frontières et les fonctions régaliennes de l’Etat ont fait l’objet de nombreux débats. Notamment du fait des objections soulevées par le parti de Laurent Wauquiez et Guillaume Peltier, Les Républicains, qui s’oppose à une supposée « privatisation des frontières. » La première frontière de France va-t-elle réellement être protégée par des sociétés privées ?

La première frontière de France

La loi Pacte adoptée, les parts d’ADP détenues par l’Etat (51%) feront l’objet d’une cession au privé, ce qui permettra notamment de fournir au gouvernement les capitaux nécessaires à la création d’un nouveau fonds d’investissement pour l’innovation industrielle. Dès l’annonce de cette cession, certaines critiques se sont élevées à droite, notamment par le vote négatif du Sénat qui a nécessité un second passage à l’Assemblé Nationale. Les critiques visent en partie la question de la sécurité aux frontières. En effet, Roissy Charles de Gaulle représente la frontière de France la plus importante avec près de 60 millions de voyageurs annuels qui y transitent. En raison de leur emplacement, ainsi que du nombre de passages qu’elles canalisent chaque année (plus de 100 millions), les frontières aéroportuaires revêtent un caractère particulièrement sensible, sur lequel l’opposition n’a pas manqué de fonder ses critiques.

Des inquiétudes quant au rôle de l’Etat

En Avril 2018 sur Europe 1, Guillaume Peltier estimait « dangereux de privatiser ADP car l'aéroport, c'est une frontière. » En tout, c’est plus d’une centaine de parlementaires qui se sont prononcés contre ce qu’ils considèrent comme un abandon des responsabilités de l’Etat. « La privatisation d'Aéroports de Paris, imposée contre l'avis d'innombrables parlementaires, fragilise encore plus la capacité de l'État à protéger les populations et à exercer ses missions. » exprimaient-ils dans une tribune publiée par le JDD en février dernier. Ces inquiétudes ont poussé le gouvernement à fournir de plus amples explications.

Des responsabilités bien définies et un strict cahier des charges

La loi Pacte ne prévoit pas que les fonctions régaliennes de contrôle aux frontières soient confiées au secteur privé. Une telle configuration n’existe dans aucun pays développé et cela poserait de nombreux problèmes de légitimité et de légalité. Dans le cas des aéroports gérés par ADP, seules les opérations économiques et commerciales seront placées sous la gestion des entreprises privées. En revanche la surveillance des frontières, les contrôles d’identité et les autorisations d’accès demeureront exclusivement à la charge de l’Etat.

Lors des débats à l’Assemblée le ministre de l’économie a insisté sur ce point précis en affirmant que l’Etat garderait la totalité de ses missions de contrôle et de sécurité. Bruno Le Maire le rappelait encore récemment en affirmant : « Le contrôle des frontières a toujours été et restera une compétence de l’État. Les douanes et la police aux frontières resteront évidemment en charge des contrôles et leur accès à l’infrastructure d’ADP sera entièrement préservé. De plus, le cahier des charges établit que le directeur de la sécurité d’Aéroports de Paris devra être agréé par l’État. »

Un dispositif de sécurité en croissance

Pour mémoire, La France déploie plus de 10 000 fonctionnaires de police dans le cadre de sa police aux frontières, auxquels il faut rajouter les effectifs douaniers. Depuis 2017 c’est plus précisément la préfecture de Paris qui coordonne toute la sécurité des aéroports parisiens. “A compter de décembre prochain, la sécurité de l'aéroport d'Orly, autre centre névralgique du transport parisien, sera elle aussi coordonnée par la préfecture de police de Paris”, rapportait Emmanuel Leclère, de France Inter. De plus le ministère de l’Intérieur a récemment décidé de renforcer sa présence aux frontières aéroportuaires. En effet, la place Beauvau a demandé en décembre 2018 l’ajout d’une centaine de fonctionnaires de police à Roissy et Orly, ainsi que la création d’une cinquantaine de postes à la police aux frontières afin d’augmenter la sécurisation aux abords de l’aéroport et le contrôle des transports.

Loin de confier son rôle de contrôle et de sureté aux entreprises privées, l’Etat est au contraire en train de le renforcer. Par ailleurs, depuis 2017, l’Etat ajuste ses effectifs durant les périodes d’affluence afin que les contrôles aux frontières puissent se faire dans les meilleures conditions. Jérôme Renaud, du mensuel de l’Aviation Civile, écrivait : « De?s le week-end prochain et jusqu’au 31 août, ce sont ainsi 100 policiers supplémentaires qui seront présents tous les jours sur ces deux sites pour augmenter le nombre de points de contrôle, avec l’espoir de réduire les délais d’attente. Ces 100 policiers viennent s’ajouter aux 1 300 policiers de la police aux frontières qui sont présents quotidiennement a? Roissy et Orly », une mesure reconduite tous les ans. L’Etat laissera donc la gestion commerciale des aéroports aux repreneurs, mais ne relâchera en rien sa présence aux frontières aéroportuaires.

ADP représente une des plus grandes réussites françaises, tant dans son développement, que dans le placement de Paris comme hub majeur du transport aérien mondial. L’Etat considère que le temps est venu de placer ses investissements ailleurs. Mais si l’Etat se désengage de son rôle économique, il conserve son rôle étatique. Aucune des fonctions régaliennes et de sécurité ne seront dévolues au privé, pas plus que les sociétés d’autoroutes et la SNCF ne sont chargées de contrôler les frontières terrestres !

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