CETA : l’Europe doit reprendre la main

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Par Valérie Rabault Modifié le 3 mars 2017 à 20h40
France Agriculture Ecologie Citoyens
95 %95 % des dispositions du CETA pourront être appliquées dès avril 2017.

Adopté par le Parlement européen le 15 février (sans les voix des députés socialistes et radicaux de gauche français), le CETA, l’accord commercial entre l’UE et le Canada, doit encore être ratifié par les parlements nationaux et régionaux de l’Union européenne pour définitivement entrer en vigueur. 106 députés de gauche, dont je fais partie, ont saisi le Conseil Constitutionnel le 22 février pour faire barrage au CETA. Dans ses dispositions actuelles, je considère en effet que le CETA comporte un trop grand nombre d’incertitudes pour notre souveraineté française et européenne, nos filières agricoles, et nos services publics.

Sous couvert d’accord commercial, le CETA est beaucoup plus…

On nous présente le CETA comme un accord commercial, c’est-à-dire un accord qui vise à définir les droits de douane ou les conditions dans lesquels ils ne seraient pas appliqués, et les quantités de biens concernés.

Le problème est que le CETA fait beaucoup plus que cela…Par exemple, il pose le principe d’harmonisation des normes européennes et canadiennes, visant à gommer les différences qui peuvent exister aujourd’hui et que certains considèrent comme une entrave au commerce. Si certaines de ces différences sont purement techniques, d’autres sont plus politiques et sensibles, car elles reflètent les choix de société que nous avons démocratiquement décidés.

Ainsi, il n’est pas exclu que les agriculteurs canadiens veuillent un jour introduire de nouveaux OGM sur le marché européen. Si cette demande est émise, le CETA prévoit que des négociations puissent être enclenchées : concrètement, des fonctionnaires canadiens et européens se réuniront au sein de comités afin de s’accorder sur le rapprochement de nos normes respectives. Le problème est que la façon dont fonctionneront ces instances reste encore très floue et soulève un certain nombre de questions, à ce jour sans réponse : Comment assurer que cette convergence des normes ne se fera pas au détriment de notre modèle agricole, social et environnemental ? Quelle sera l’influence des lobbys industriels sur ces instances de décision ? Dans quelle mesure ces instances limiteront-elles la capacité de décision des pouvoirs publics nationaux et européens démocratiquement élus ?

Le CETA représenterait une menace directe pour notre agriculture

Pour l’agriculture, j’estime qu’il y a un vrai déséquilibre. Le CETA prévoit ainsi de multiplier par 10 les importations, sans droit de douane, vers l’Europe de bœuf canadien et de porc, et par 3 celles de blé. La contrepartie pour l’Europe est maigre, puisqu’elle aurait juste le droit d’augmenter de 13 472 à 18500 tonnes ses exportations de fromage vers le Canada.

Les tribunaux d’arbitrage constituent une atteinte à la souveraineté des états européens et au principe d’égalité

Avec le CETA, les entreprises étrangères auront la possibilité d’attaquer la France devant un tribunal d’arbitrage, sorte de système juridique parallèle aux juridictions nationales,dont la décision s’imposerait aux États. Cela pose évidemment de graves questions en termes de souveraineté nationale. Par ailleurs, cela pourrait aussi poser une question d’égalité, puisque les entreprises françaises n’auraient de leur côté pas la possibilité d’attaquer l’État français devant ce même tribunal.

Le CETA créerait une incertitude quant à l’avenir de nos services publics

D’ordinaire, dans les accords commerciaux signés par l’UE, la libéralisation des secteurs publics est régulée par le principe dit des « listes positives », c’est-à-dire que l’accord mentionne clairement les secteurs que l’Europe s’engage à libéraliser. Mais pour la première fois en Europe, le CETA introduit un système beaucoup plus incertain, dit des « listes négatives ». Concrètement, cela signifie que tous les services publics qui n’auront pas étéexplicitement exclus dans l’accord pourront être libéralisés à l’avenir. Cette décision représente donc une menace directe pour nos services publics, puisqu’elle permet de faire de la libéralisation des services publics la règle, et non l’exception comme c’était le cas jusqu’à présent.

Pour toutes ces raisons, je demande donc, via cette saisie du Conseil constitutionnel, l’ouverture d’un nouveau processus de négociations du CETA, dans le respect des exigences démocratiques, sociales et environnementales que nous défendons et jugeons indispensables au maintien d'une politique commerciale juste et équilibrée.

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Valérie RABAULT est députée PS de Tarn-et-Garonne. En avril 2014, elle a été élue rapporteure générale du budget et est ainsi devenue la 1ère femme à occuper cette fonction. Elle est l’auteure de « La France contre-attaque » (Éditions Odile Jacob).

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