Projet Cigéo : le coût du stockage des déchets nucléaires explose

Le 12 mai 2025, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a révélé une nouvelle estimation du coût du centre Cigéo, destiné à enfouir les déchets les plus dangereux issus du parc nucléaire français. Ce projet, pilier de la politique de gestion des déchets radioactifs, soulève aujourd’hui une autre problématique tout aussi explosive : l’inflation galopante de sa facture.

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By Stéphanie Haerts Published on 12 mai 2025 14h30
Projet Cigéo : le coût du stockage des déchets nucléaires explose
Projet Cigéo : le coût du stockage des déchets nucléaires explose - © PolitiqueMatin

Coût du projet nucléaire Cigéo : un gouffre budgétaire qui s'élargit

Ce qui devait être un défi d’ingénierie devient aussi une équation économique à plusieurs inconnues. L’Andra, maître d’ouvrage de ce site d’enfouissement à 500 mètres sous terre, dans la commune de Bure (Meuse), a actualisé le 12 mai 2025 l’évaluation budgétaire de Cigéo. Le coût, initialement chiffré à 25 milliards d’euros par le gouvernement en 2016, oscille désormais entre 26,1 et 37,5 milliards d’euros, en euros constants de 2012.

En tenant compte des conditions économiques de fin 2023, la fourchette s’élargit encore, entre 33 et 45 milliards d’euros, selon l’Andra. La justification de ce bond ? Un cocktail peu digeste de révisions techniques, de fiscalité fluctuante et d’inflation structurelle. L’agence précise que les seules variables fiscales peuvent faire fluctuer la note de 7,4 milliards d’euros, un montant non négligeable dans une enveloppe qui se veut “maîtrisée”.

Un projet nucléaire unique et vertigineux, ancré dans la durée

Le projet Cigéo, en gestation depuis près de vingt ans, est conçu pour stocker 83.000 m³ de déchets radioactifs à vie longue, provenant notamment d’EDF (Électricité de France), du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) et d’Orano. Ces trois entités, tenues par le principe pollueur-payeur, sont les seuls financeurs du projet. La mise en service effective est aujourd’hui repoussée à 2050, avec un stockage progressif sur 95 ans et une fermeture du site prévue vers l’an 2170.

D’ici là, la France s’apprête à creuser 250 kilomètres de galeries souterraines sur 15 km², dans un sol argileux, une première mondiale pour ce type de terrain. « Il n'y a pas de chiffre unique car l'exercice que nous avons mené est inédit par sa durée de 150 ans, par sa surface de 665 hectares au sol et 250 kilomètres de galeries souterraines, et par ses caractéristiques », a précisé Gaëlle Saquet, directrice par intérim de l’Andra dans Les Echos.

Déchets nucléaires : quand les économies deviennent un levier politique

Face à cette montée des coûts, l’Andra tente aussi de rassurer. Elle affirme avoir engagé 3,8 milliards d’euros d’économies depuis 2016, et identifié 3,6 milliards supplémentaires grâce à des optimisations d’ingénierie. L’agence envisage par exemple l’allongement des alvéoles, l’augmentation de la densité de stockage, ou l’usage de matériaux moins onéreux.

Mais ces ajustements techniques n’effacent pas les autres charges, de plus en plus lourdes. Parmi elles : les fouilles archéologiques, le renfort des équipes de pilotage, les études complémentaires, mais aussi les surcoûts liés à la sécurisation du site après des actions de sabotage de militants antinucléaires.

Un arbitrage gouvernemental attendu

La décision finale sur ce budget hors norme ne revient pas à l’Andra, mais au ministère de l'Energie, qui devra publier un nouvel arrêté coût d’ici fin 2025. Ce texte, rédigé après avis de l’ASNR (Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection) et des producteurs de déchets, servira de référence budgétaire jusqu’à la prochaine révision. En parallèle, la demande d’autorisation de création, déposée en janvier 2023, est en cours d’examen. L’Andra attend une réponse définitive fin 2027 ou début 2028.

Cigéo ne ressemble à aucun autre projet mondial. Contrairement à la Finlande ou à la Suède, qui ont opté pour des stockages dans des terrains granitiques, la France mise sur l’argile, réputée plus stable à très long terme. Mais cette originalité technologique se paie au prix fort. Et malgré les tentatives d’économie, la note ne cesse de grimper, tout comme les interrogations sur la capacité de l’État à maintenir un cap cohérent dans la gestion des déchets radioactifs.

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Rédactrice finance

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