Le gouvernement britannique se lance dans une opération à haut risque. Sous pression, Keir Starmer dégaine un arsenal de mesures qu’il qualifie lui-même de « radicales ». Derrière les mots, une volonté affichée : reprendre le contrôle d’un système migratoire qu’il juge à la dérive. Mais à quel prix ?
Immigration : le Premier ministre Keir Starmer opère un virage radical au Royaume-Uni

Un plan dévoilé sous tension : quand l’immigration devient une arme politique
Le 12 mai 2025, le Premier ministre britannique Keir Starmer a présenté un projet ambitieux pour restreindre drastiquement l’immigration légale. Une date désormais symbolique d’un virage stratégique assumé, à la fois économique et électoral. Dans un Royaume-Uni fragilisé par les fractures sociales et la montée en flèche de l'extrême droite, le chef du gouvernement travailliste joue son avenir politique en misant sur une réforme sans précédent du système migratoire.
Lors d’une conférence de presse organisée en matinée, suivie d’une déclaration solennelle de la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper devant le Parlement, le gouvernement a dévoilé une feuille de route jugée « radicale », censée répondre aux inquiétudes croissantes de l’opinion publique. « Nous créerons un système qui est contrôlé, sélectif et juste », a déclaré Keir Starmer, selon des extraits communiqués par Downing Street.
Immigration : un droit de séjour permanent de plus en plus inaccessible au Royaume-Uni
Parmi les mesures phares, le relèvement du seuil temporel pour obtenir un titre de résident permanent passe de cinq à dix ans. Le gouvernement ne cache pas son objectif : limiter durablement l’installation d’étrangers, jugée trop facile jusqu’ici. En 2024, 162.000 titres de résidence permanente ont été délivrés, soit une augmentation de 35 % par rapport à l’année précédente. Une nuance toutefois : certains profils dits stratégiques, médecins, ingénieurs, spécialistes en intelligence artificielle, pourront continuer à candidater de manière anticipée.
La priorité est claire, privilégier l’utilité économique au détriment du principe d’accueil universel. Là encore, les conditions se durcissent pour les familles. Les proches adultes d’un titulaire de visa devront désormais démontrer un niveau d’anglais « suffisant » pour entrer au Royaume-Uni. L’objectif est limpide : « réduire le nombre de visas familiaux », affirme Downing Street. Le message est envoyé à la fois aux candidats au regroupement familial et à leurs interlocuteurs diplomatiques.
Immigration professionnelle : un système de visas à géométrie variable
Le gouvernement s’attaque aussi à la seconde source d’entrée sur le territoire que sont les visas de travail. En 2024, ceux-ci ont concerné 369.000 personnes. Le nouveau plan prévoit un filtrage plus exigeant, notamment pour les travailleurs dits peu qualifiés. Selon Yvette Cooper, ces restrictions devraient réduire jusqu’à 50.000 arrivées dès l’année prochaine. « Pendant des années, notre système a encouragé les entreprises à faire venir des travailleurs moins bien payés, plutôt que d’investir dans nos jeunes », assène Keir Starmer dans des propos rapportés par Le Figaro. Cette phrase résume la philosophie du projet qui est de rompre avec ce qu’il qualifie de laxisme hérité des gouvernements conservateurs. L’emploi local est désormais érigé en priorité nationale.
Les exigences s’élèvent également sur le plan académique. Un candidat au visa de travailleur qualifié devra justifier d’un diplôme équivalent au niveau licence en France. En parallèle, les employeurs qui souhaitent embaucher à l’étranger seront contraints de prouver qu’ils investissent dans la formation de Britanniques. Quant aux établissements du secteur du soin, historiquement dépendants de la main-d’œuvre étrangère, ils sont désormais exclus du droit de recruter directement hors du pays.
Une ligne dure assumée face à la pression migratoire
Le projet ne s’arrête pas à l’immigration légale. Le gouvernement veut également durcir le traitement des étrangers condamnés pénalement. Actuellement, une expulsion n’est envisageable qu’en cas de peine supérieure à un an de prison. Le Premier ministre entend élargir ce seuil afin de faciliter les procédures d’éloignement. Le signal est aussi politique qu’administratif. En parallèle, le gouvernement cible directement certains pays d’origine, comme le Pakistan, le Nigeria et le Sri Lanka, considérés comme des foyers majeurs de demandes d’asile.
Les visas de travail et d’études pour les ressortissants de ces États seront restreints, une mesure perçue par certains comme une discrimination déguisée, mais assumée par Downing Street au nom de l’efficacité. Enfin, les traversées clandestines de la Manche restent une préoccupation centrale. En 2024, 36.800 migrants ont été interceptés, et déjà plus de 11.000 depuis le début de l’année. Si le plan annoncé n’apporte pas de mesures inédites sur ce volet, il s’inscrit dans une logique de dissuasion renforcée, en cohérence avec les engagements précédents du Labour.
Un virage politique périlleux à l’approche des législatives
Ce revirement sécuritaire soulève une question brûlante : Keir Starmer joue-t-il sa survie politique en mimant les recettes de la droite dure ? L’influence croissante de Reform UK, emmené par Nigel Farage, lors des élections locales du 1er mai 2025, semble avoir précipité la stratégie du gouvernement. Avec 728.000 immigrés nets entre juin 2023 et juin 2024, le Royaume-Uni bat des records et les opposants au Labour s’en frottent les mains.
En misant sur la fermeté, le Premier ministre tente de reprendre l’initiative. Mais cette ligne dure ne risque-t-elle pas d’aliéner son électorat traditionnel, notamment urbain et progressiste ? L’avenir le dira. Une chose est sûre, l’immigration est redevenue un champ de bataille central de la politique britannique, où la nuance ne fait plus recette.