Dette, immigration, retraites : le référendum demandé par les Français

Le mot est sur toutes les lèvres, mais dans combien d’urnes sera-t-il réellement ? Derrière le terme de « référendum », les attentes prolifèrent, les tensions s’exacerbent, et le politique redoute ce miroir trop franc que tend l’opinion. En apparence, la demande populaire semble limpide. Mais attention aux fractures sociétales sous-jacentes.

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By Paolo Garoscio Last modified on 12 mai 2025 8h51
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Dette, immigration, retraites : le référendum demandé par les Français - © PolitiqueMatin

Le 11 mai 2025, l'institut Elabe publiait, pour le compte de BFMTV, une enquête d’opinion révélant que 83 % des Français se déclarent favorables à l’organisation d’un référendum, tous sujets confondus. Dans un climat où la légitimité politique se fissure, ce chiffre, d’une rare netteté, force les partis à se positionner. Car derrière ce mot sacralisé, les lignes de fracture sont bel et bien dessinées. Dette, immigration, retraites : les Français ne veulent pas voter pour un homme, ils veulent trancher sur le fond.

Une adhésion massive : le référendum comme remède à la crise politique

Le terme « référendum » n’a jamais été aussi bien accueilli. Le sondage Elabe, mené les 6 et 7 mai 2025 auprès d’un échantillon représentatif de mille citoyens majeurs, montre une adhésion quasi unanime à ce mécanisme de démocratie directe. Plus d’un quart des répondants (28 %) se disent même « très favorables » à un tel dispositif.

« Cette idée a pénétré l'opinion », s’est félicité François Bayrou, le Premier ministre, en déplacement à Brest le 11 mai. Il ajoute : « Beaucoup de citoyens français disent : oui au fond, que nous soyons pour une fois associés à ces décisions, c’est une chose qui nous intéresse et qui est très importante. » Cette déclaration, relayée par BFMTV, intervient quelques jours avant une intervention télévisée du président Macron, prévue pour le 13 mai, où il pourrait annoncer la tenue d’un ou plusieurs référendums.

Mais derrière ce consensus apparent, le sondage révèle aussi des divergences profondes selon l’appartenance politique et les classes sociales, trahissant un paysage démocratique fragmenté.

Dette, immigration, retraites : les thèmes qui clivent sous le consensus du référendum

Quand on gratte le vernis de l’unanimité, les priorités émergent, contrastées. Le sondage Elabe indique que 59 % des sondés souhaitent un référendum sur la dépense publique, la dette et les impôts, avec 19 % plaçant ce sujet en tête. C’est le thème dominant.

Viennent ensuite l’immigration (52 %) et la réforme des retraites (52 %), avec respectivement 21 % et 22 % les mentionnant comme sujet prioritaire. La fin de vie obtient 43 %, preuve d’une volonté d’interroger des questions éthiques aussi bien que budgétaires.

Les autres propositions, comme la proportionnelle, la réduction des strates territoriales ou les rythmes scolaires, restent marginales, oscillant autour de 16 à 22 % des réponses.

Cette hiérarchie thématique évolue fortement selon les couleurs politiques. Chez les électeurs du Rassemblement national, l’immigration écrase tous les autres enjeux, avec 81 % de citations. À gauche, dans le camp du Nouveau Front Populaire, c’est la réforme des retraites (61 %) qui domine, suivie par la dette publique (54 %) et la fin de vie (50 %). Quant aux électeurs d’Ensemble (la majorité présidentielle) et des Républicains, ils placent en tête les finances publiques (65 et 66 % respectivement), avec une remontée de l’immigration chez les LR (57 %).

La fracture générationnelle et sociologique : le référendum contre les élites ?

L’analyse des données révèle également une opposition entre la France d’en bas et la France d’en haut. Les catégories populaires, rurales, âgées, réclament massivement un référendum sur l’immigration et la fiscalité. Les cadres supérieurs et les jeunes diplômés, eux, mettent en avant des sujets comme la fin de vie ou la réforme des retraites.

Cette dissonance illustre un fossé démocratique où le référendum n’est plus simplement perçu comme un outil, mais comme un acte de reconquête. Pour certains, il s’agit de reprendre le contrôle d’un État jugé déconnecté. Pour d’autres, d’imposer dans le débat des enjeux trop longtemps évacués par les urnes législatives.

La crainte des politiques : le référendum, un boomerang démocratique ?

Si l’opinion est prête à voter, les responsables politiques le sont beaucoup moins. Comme l’a souligné François Bayrou : « Le monde politique est un peu moins enthousiaste […] parce que l'intervention directe des citoyens change le rapport de force et le débat. » Et pour cause : le référendum réduit le rôle des partis à celui de commentateurs, et met en péril les équilibres institutionnels classiques.

Le débat juridique est également engagé. Peut-on légalement organiser un référendum sur l’immigration ? Laurent Fabius, ancien président du Conseil constitutionnel, a rappelé que « la politique migratoire n’entre pas dans le champ de l’article 11 de la Constitution ». À l’inverse, Jean-Éric Schoettl, ex-secrétaire général du Conseil constitutionnel, affirme que l’immigration touche à trop de domaines pour être jugée inéligible à un référendum unique.

Un référendum, oui… mais lequel ?

Le sondage Elabe révèle une France avide de démocratie directe, mais divisée sur le fond. Si 8 Français sur 10 réclament un référendum, aucune majorité claire ne se dégage sur les thèmes, ni même sur la forme qu’il devrait prendre.

Faut-il un scrutin unique ou plusieurs consultations successives ? Quel rôle pour le Parlement ? Quels garde-fous juridiques pour éviter la dérive plébiscitaire ? Autant de questions que l’exécutif devra trancher avant de renvoyer la balle aux électeurs. Le référendum est peut-être en route, mais son contenu est loin d’avoir été fixé.

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Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013. Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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