Euthanasie : « Aucun soignant ne sera obligé de la pratiquer », affirme Catherine Vautrin

Le projet de loi sur la fin de vie entre ce lundi 12 mai à l’Assemblée nationale. Catherine Vautrin précise la doctrine gouvernementale : aide à mourir oui, mais encadrée, sans contrainte pour les soignants.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 12 mai 2025 11h19
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Une doctrine clarifiée par le gouvernement

À la veille du débat parlementaire sur l’aide à mourir, Catherine Vautrin a choisi de préciser les lignes directrices de la réforme. Invitée sur BFMTV, la ministre de la Santé a tenu à rassurer les professionnels du soin en affirmant que « aucun soignant ne sera obligé de pratiquer l’acte létal ». Ce principe est désormais au cœur du dispositif gouvernemental qui s’apprête à encadrer la fin de vie de manière rigoureuse.

Le texte, porté par la majorité présidentielle, repose sur un principe central : celui de l’auto-administration de la substance létale par le patient lui-même. Cette règle, présentée comme protectrice pour les personnels soignants, devient la norme. Un professionnel ne pourrait être sollicité pour administrer lui-même la substance qu’en cas d’incapacité manifeste du patient. Dans tous les cas, une clause de conscience figure dans le projet pour garantir à chaque soignant le droit de se soustraire à cette démarche.

Un accès restreint aux situations les plus graves

Le projet de loi actuellement en discussion, déposé le 11 mars 2025 sous le numéro 1100, circonscrit l’aide à mourir à des conditions très précises. Le patient devra être atteint d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, et éprouver une souffrance réfractaire aux traitements. Le texte définit cette phase comme l’entrée dans un processus irréversible qui altère significativement la qualité de vie.

Afin de sécuriser le processus, le gouvernement prévoit un délai de réflexion de 48 heures à partir du moment où la décision médicale conjointe est rendue. Ce délai, qui avait été envisagé sans caractère obligatoire dans les premières versions du texte, a été réintroduit sur demande de la ministre. La procédure pourra être interrompue à tout moment si le patient perd ses facultés mentales. La notion de discernement est considérée comme un critère intangible.

Le dispositif repose sur un double avis médical. L’ensemble du processus sera contrôlé par une équipe de soins pluridisciplinaire, avec un suivi postérieur à l’acte. Un registre national devrait centraliser les demandes pour assurer la traçabilité et limiter les dérives.

Deux propositions de loi, deux temporalités politiques

Le débat parlementaire s’organise autour de deux textes distincts. Le premier, proposé par Olivier Falorni (MoDem), porte spécifiquement sur l’aide à mourir. Le second, déposé par Annie Vidal (Renaissance), vise à améliorer l’offre de soins palliatifs, dans un objectif de renforcement de l’accompagnement des patients en fin de vie.

Si la proposition Vidal a été largement approuvée en commission, celle de Falorni suscite des réserves plus marquées. Elle ouvre en effet une brèche dans un cadre législatif resté inchangé depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui autorise la sédation profonde et continue mais proscrit tout geste létal. Catherine Vautrin, en précisant les contours de cette réforme, cherche à construire un compromis acceptable, y compris pour les parlementaires réticents à tout élargissement du cadre actuel.

L’Assemblée à l’épreuve d’un vote en conscience

Les débats s’ouvrent ce 12 mai dans l’hémicycle, sans vote prévu à ce stade. Aucun groupe politique ne devrait donner de consigne, laissant à chaque député la responsabilité de son choix. Ce type de délibération, rare, engage les parlementaires sur des terrains aussi personnels que sensibles. Le vote final sur le texte Falorni est attendu pour le 27 mai.

Après l’Assemblée, le texte suivra son parcours parlementaire au Sénat. En cas de divergences persistantes, une commission mixte paritaire sera convoquée. Le gouvernement vise une adoption d’ici à la fin du quinquennat, sans garantir que les délais puissent être tenus. La ministre de la Santé elle-même s’est dite « prudente » quant au calendrier.

Un enjeu éthique et sociétal majeur

Ce débat renvoie à des lignes de fracture profondes dans la société française : autonomie individuelle face au principe de non-malfaisance, respect du serment d’Hippocrate contre reconnaissance de la souffrance insupportable. La discussion parlementaire, si elle se veut technique, traduit aussi un affrontement de valeurs.

Le gouvernement, en réaffirmant sa volonté d’encadrer strictement cette possibilité nouvelle, cherche à concilier deux exigences : offrir une réponse légale aux patients confrontés à des situations médicales extrêmes, tout en préservant l’intégrité morale des professionnels qui les accompagnent. À ce stade, l’équilibre reste fragile.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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