Délit d’entrave numérique : Charlie Hebdo aux côtés des anti-IVG ?

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Par Marine Tertrais Modifié le 2 décembre 2016 à 13h05
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Les députés examinent la proposition de loi sur le délit d'entrave numérique à l'IVG. Cette proposition de loi cherche à interdire les sites qui prétendent « réinformer » sur la sexualité et l’interruption volontaire de grossesse. Mais ce texte ne pose-t-il pas un problème en terme de liberté d’expression ?

Délit d’entrave : de quoi parle-t-on ?

Selon le code de la santé publique, le « délit d’entrave » avait été créé en 1993 pour punir les actions commando de groupes « pro-vie » qui s’enchaînaient aux grilles des hôpitaux pour empêcher les femmes d’avorter. Aujourd’hui une proposition de loi souhaiterait étendre ce délit d’entrave au numérique.

« Je veux protéger les femmes des manipulations de ces sites, de ces propagateurs de fausses informations, qui s’engouffrent dans la vulnérabilité de certaines et cherchent à les dissuader », explique la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, dans les colonnes de Libération.

Ces sites en question (Afterbaiz, Testpositif, Parlerdemonivg, Sosbébé, Ivg.net...) proposent des alternatives à l’avortement, mais selon leurs détracteurs, ils diffusent « des allégations, indications ou présentations faussées et de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse ».

Une proposition de loi liberticide

Sans surprise, les opposants à l’avortement s’opposent fermement à cette proposition de loi. Ce qui est plus surprenant c’est la prise de position de nos confrères de Charlie Hebdo. « Croyons-nous nos arguments si faibles qu’il faille interdire ceux de nos adversaires ? » interroge Guillaume Erner, dans les colonnes du journal satirique.

Et d’ajouter : « Je n’ai pas un argument contre les discours hostiles à l’IVG ; j’en ai mille. Du droit des femmes à disposer de leur corps, jusqu’à la certitude qu’aucune de ces IVG n’est décidée de gaieté de cœur. Mais comment comprendre cette proposition de loi visant à ‘condamner les sites Internet accusés d’exercer des pressions psychologiques ou morales afin de dissuader de recourir à l’IVG’ ? En janvier 2015, nous étions tous Charlie pour défendre le droit à la caricature, au blasphème, en somme pour défendre le droit de diffuser des opinions, même dégueulasses. »

La Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, a elle aussi tenu a dire son opposition au délit d’entrave numérique. « La Quadrature du Net ne peut que marquer son opposition à l'argumentation juridique employée qui porte atteinte à d'autres droits fondamentaux que sont la liberté d'expression et d'opinion », a fait savoir l’association après avoir rappelé que le droit à l'interruption volontaire de grossesse était l'une des composantes d'un droit fondamental. Cette proposition de loi est-elle liberticide ? Toute la question est là.

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Marine Tertrais est journaliste à Economie Matin depuis 2015, après être passée successivement par Jol Press, et Atlantico.

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