Devoir conjugal : la France obligée d’entrer au 21e siècle par la CEDH

Un homme ou une femme peut-il demander le divorce si son conjoint refuse d’avoir des rapports sexuels ? En France, oui. Du moins, cela était possible jusqu’à ce que la Cour européenne condamne la France pour violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au respect de la vie privée et familiale.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 23 janvier 2025 à 15h59
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En cause : le principe du « devoir conjugal » qui était jusqu’alors reconnu officieusement par la justice française en cas de divorce.

La CEDH condamne la France pour sa conception du droit conjugal

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée ce jeudi 23 janvier 2025, quelques semaines seulement après le verdict des viols de Mazan (affaire Pelicot), qui ont ébranlé la France et la communauté internationale, et un jour après le dépôt d’une proposition de loi visant à reconnaître le principe de non-consentement dans le cadre d'un viol. À l’origine de cette décision se trouve une Française de 69 ans, résidant dans les Yvelines, qui avait été jugée « exclusivement fautive » dans son divorce pour avoir refusé tout rapport sexuel avec son mari. Après que son mari a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel de Versailles en 2019 et après le rejet de son pourvoi en Cour de cassation, cette femme a décidé de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

La CEDH a ainsi condamné la France en affirmant clairement que « tout acte sexuel non consenti constitue une forme de violence sexuelle », et considérant de fait qu'une «justification (du devoir conjugal) serait de nature à ôter au viol conjugal son caractère répréhensible ». La Cour européenne des droits de l’homme dénonce en effet les articles 212 et 215 du code civil français, qui stipulent que «les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance» et « s’obligent mutuellement à une communauté de vie ». Bien que ces deux articles ne reconnaissent pas explicitement le devoir conjugal, ces-derniers sont parfois interprétés dans ce sens.

Une avancée pour les droits des femmes

Bien sûr, cette décision concerne aussi bien les femmes que les hommes. Pour la requérante, cette victoire est avant tout symbolique : « J'espèreque cette décision marquera un tournant dans la lutte pour les droits des femmes en France » (...) « Cette victoire est pour toutes les femmes qui, comme moi, se retrouvent confrontées à des décisions judiciaires aberrantes et injustes », s’est-elle félicitée dans un communiqué relayé par son avocate, Lilia Mhissen.

Nonobstant, cette décision est avant tout historique pour les femmes. Comme le révélaient les chiffres de la lettre de mars 2024 de l’Observatoire des violences faites aux femmes, plus de 87 % des victimes de viols sont des femmes, contre 13 % pour les hommes. Pis encore, près de la moitié (47 %) des viols et tentatives de viol sont commis par le conjoint ou l’ex-conjoint de la victime.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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