À peine deux mois après la polémique sur le collège Stanislas, qui a entraîné la démission de l’ex-ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudé-Castéra, la bataille entre l’école privée et l’école publique est de nouveau ravivée, mais cette fois-ci par deux députés appartenant pourtant à des camps opposés. Paul Vannier (LFI) et Christopher Weissberg (Renaissance) ont présenté, ce mardi 2 avril 2024, devant la commission culturelle et de l’éducation de l’Assemblée nationale, un rapport qui vise à réformer la loi Debré de 1959.
Éducation : un député macroniste et LFI s’allient contre l’école privée
École privée sous contrat : « des subventions qui financent le processus de ségrégation socio-scolaire »
Depuis 1959, la Loi Debré garantit l'existence de l'enseignement privé et encadre ses relations avec l'État. Ces derniers bénéficient ainsi d'un financement à 75 % par l'État à condition que les établissements concernés enseignent le programme pédagogique de l'Éducation nationale. Le rapport des députés LFI Paul Vannier et Christopher Weissberg, qui doit aboutir à une proposition de loi de la LFI, a ainsi en ligne de mire le financement des 7.500 écoles privées, dont 97 % relèvent de l'enseignement catholique. « Quel est le montant total consacré aux établissements privés sous contrat ? Dix, onze, peut-être douze milliards d’euros… Personne n’en sait rien. C’est hors de contrôle, quasiment. C’est d’une grande opacité », a ainsi justifié le député LFI, Paul Vannier. Pour ce dernier, les financements publics accordés aux établissements privés sous contrat servent à une chose : « financer le processus de ségrégation socio-scolaire qui conduit à l’aggravation des inégalités scolaires et sociales entre les établissements privés qui s’affirment de plus en plus comme des établissements réservés aux plus riches et les établissements publics pour tous les autres ».
La deuxième critique, qui découle de la première selon le rapport, est le manque de mixité sociale dans l'enseignement privé. « Il faut remettre du contrôle et du pilotage dans le système privé (...) sinon, on risque d’aboutir à une concurrence déloyale entre le privé et le public », soutient, sous un ton néanmoins plus tempéré, Christopher Weissberg. Le rapport vise ainsi à intensifier les contrôles sur l'utilisation des financements publics et privés des établissements sous contrat, mais aussi à fixer des quotas de mixité sociale en fonction de l'indice de positionnement social (IPS). Le député LFI préconise ainsi qu'un « malus » de 10 000 euros par élève soit appliqué dès lors qu'une école privée sous contrat affiche un IPS supérieur à celui d'une école publique dans une même zone.
« Certains n’acceptent pas notre existence, tout simplement »
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Deux jours avant la présentation dudit rapport, Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique, a réfuté, dans les colonnes du JDD du dimanche 31 avril 2024, les allégations portées par les co-rapporteurs du texte. Si Philippe Delorme a reconnu un manque de contrôles, il n'a pas hésité à rappeler que ces derniers restent à la charge des collectivités territoriales.
Les critiques du rapport, selon lui, reposeraient sur une généralisation abusive de cas isolés, occultant les efforts de nombreux établissements pour maintenir une ouverture à tous les milieux sociaux. « Certains n’acceptent pas notre existence, tout simplement », déplore-t-il. Il faut dire que les députés prennent peu de risques avec ce rapport. Moins de 6 mois après la publication du dernier classement PISA, classement qui démontrait pourtant la chute drastique du niveau scolaire français - et qui est largement attribuable au nivellement par le bas porté par le collège unique - ces derniers, au lieu de chercher des solutions pour relever le niveau de l'éducation nationale, préfèrent s'attaquer au modèle qui, jusqu'à preuve du contraire, affiche les meilleurs résultats.