Alors que la candidate de la droite Valérie Pécresse caracole en tête des sondages des élections régionales, avec 32% des intentions de votes selon le dernier sondage Ipsos, on ne peut pas dire que les représentants parisiens d’EELV jouent pour la victoire de la gauche. Ardents à marquer leurs différences avec la majorité municipale parisienne dont ils sont pourtant membres, leur stratégie de la division risque de laisser l’électorat progressiste et écologiste sur le carreau.
Annoncée dès le mois d’août 2021, la candidature de Julien Bayou aux élections régionales d’Île-de-France pose la question de la stratégie de long terme pour la gauche. Dans une interview accordée au Parisien, le tête de liste EELV ne rejetait pas le principe d’une alliance de la gauche, qui affirmait « Le projet écologiste nous dépasse et nous le défendrons avec toutes celles et tous ceux qui le portent sincèrement pour le faire gagner dans les régions. ». Force est de constater que les actes ne sont pas en accord avec les mots pour le moment.
Les élus EELV parisiens multiplient les entorses au principe de solidarité envers la majorité municipale
Fort du soutien apporté par le candidat à la présidentielle de 2017 du Parti socialiste Benoît Hamon, qui est parvenu à faire descendre le résultat de la gauche socialiste à son plus bas historique depuis 1969, Julien Bayou espère bien incarner l’espérance à gauche en Île-de-France.
Il semble bien loin, le temps où les élus EELV parisiens, emmenés par David Belliard, soutenaient la candidate sortante et victorieuse Anne Hidalgo à l’élection municipale de Paris. Le ralliement du deuxième tour avait pourtant été rentable pour les écologistes, qui avaient obtenus trois postes d’adjoints à la mairie, dévolus à David Belliard, Anne-Claire Boux, Dan Lert et Anne Souyris.
Un an plus tard, patatras, rien ne va plus, les écologistes parisiens mordent la main qu’ils embrassaient. Réserve douteuse émise face à la proposition de la majorité de donner le nom de Samuel Paty à une place de la capitale ; opposition au projet de réhabilitation de la gare du Nord, qui permettra notamment le désenclavement d’un territoire ; propos aventureux d’Anne Souyris sur la politique vaccinale de la ville ; et enfin, le refus de condamner l’occupation illégale du « Petit Cambodge », l’une des cibles des attentats de novembre 2015, par des militants de Youth for Climate… Les sujets se multiplient qui voient les élus EELV tenter de marquer leurs différences (et leurs différends) avec la majorité municipale dont ils sont pourtant membres.
L’électorat progressiste et socialiste, grand perdant de la stratégie de la division
Pour les élections régionales, la liste menée par Julien Bayou entend ratisser large. A priori, on y trouverait un peu de tout selon les informations mises en ligne sur le site de la fédération francilienne d’EELV. Notamment du haut fonctionnaire (ou ancien haut fonctionnaire), avec Arnaud Périgord, économiste à la Cour des comptes, ou Olivier Le Marois, diplômé d’X, et de l’ENA et riche entrepreneur, passé par le cabinet de la Première ministre Edith Cresson et l’ambiance feutrée des ministères. Le premier, diplômé de la « Paris School of Economics », commence sa carrière par un stage à la Direction générale du Trésor avant de travailler, notamment, dans les secteurs des matières premières avant d’intégrer la Cour des comptes. Pas tout à fait un profil de révolutionnaire, donc.
Olivier Le Marois quant à lui, chef de l’entreprise Zlak située dans le très populaire Vème arrondissement de Paris, s’est découvert une passion tardive pour le militantisme écologiste de terrain, après plus de 20 ans passés à occuper des postes de direction d’entreprise. C’est donc désormais aux côtés du compagnon de route des zadistes Julien Bayou qu’Olivier Le Marois trouve un nouveau sens à ses activités, du business à l’activisme. S’il l’indique sur le site dédié aux entrepreneurs F6S « je suis un activiste. Nous sommes dans une période révolutionnaire », on se demande quelle forme pourrait prendre une révolution menée depuis les beaux quartiers, et quand on est soi-même un pur produit de l’élite de la République. N’est pas Che Guevara qui veut. Pour le moment engagé dans le militantisme associatif, on se demande quelle nouvelle passion il embrassera à l’avenir.
On peut donc douter de la représentativité sociologique et du sens réel de l’engagement social de certains des membres de la liste EELV. Surtout lorsqu’ils prétendent incarner le renouveau social au niveau de la région. Chez EELV, on dit oui à l’union de la gauche… mais aussi à l’union des classes, avec des profils d’élite reconvertis dans le militantisme de terrain. Les élections approchant à grands pas, on se demande quelle nouvelle ligne de fracture vont vouloir créer les cadres et candidats EELV avant le premier tour. En cas de victoire de Valérie Pécresse, il faudra mesurer les responsabilités de chacun dans la défaite.
Un résultat où tout le monde serait perdant, les électeurs écologistes en premier : on rappellera que l’action environnementale d’Anne Hidalgo pour la ville de Paris n’est plus à démontrer, tant pour destituer la « bagnole » de son statut de « petite reine » de Paris que dans les nombreux plans de végétalisation et d’arborisation de la ville. Une légitimité écologiste qu’incarne aussi pleinement la candidate d’Île-de-France en commun Audrey Pulvar, qui fut – faut-il le rappeler ? – présidente de la Fondation pour la nature et l’homme fondée par Nicolas Hulot. Gageons que l’électorat progressiste et écologiste saura ne pas se laisser surprendre par la stratégie de la division menée par EELV. Sur le terrain du social, on rappellera enfin que les écologistes franciliens devront revoir leur copie pour convaincre les électeurs de la gauche, si l’on s’en tient à leurs combats choisis contre la majorité municipale.