La volonté d’Emmanuel Macron de supprimer les « Fake News »

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Par Antoine Chéron Publié le 5 janvier 2018 à 14h06
Justice Environnement Tribunaux Specialisation Affaires

Le mercredi 3 janvier 2018, Emmanuel Macron a annoncé qu’un texte de loi allait être déposé prochainement pour lutter contre la diffusion des Fake News sur internet en période électorale.

Les élections américaines avaient bien sûr été marquées par le florilège d’informations non avérées sur les candidats, laissant le souvenir d’une campagne ponctuée de multiples scandales diffusés sur les candidats. De la même manière en France, des révélations de sources inconnues sur les candidats à l’élection présidentielle, et notamment l’existence d’un compte bancaire aux Bahamas concernant Emmanuel Macron, ont fleuri sur la toile.

Les sources d’informations se multiplient, dont tout un chacun peut être à l’origine, sans être pour autant soumis aux obligations déontologiques pesant sur les journalistes.

C’est dans ce contexte que l’annonce du projet de loi a été formulée.

I/ Les enjeux du projet de loi

L’objectif de cette loi est d’endiguer le problème de la désinformation, qui ne cesse de prendre de l’ampleur sur Internet, et qui présente des dangers pour le grand public.

Certes, la loi francaise encadrait déjà, depuis la loi de 1881 sur la liberté de la presse, la diffusion des informations, et sanctionnait dans son article 27 la publication délibérée de fausses nouvelles susceptibles de troubler la vie publique. Mais cet encadrement apparaît inadapté au 21ème siècle et au monde numérique, qui nécessite un encadrement juridique plus développé qu’un simple article de portée générale.

Emmanuel Macron a donc annoncé qu’il souhaitait « faire évoluer notre dispositif juridique pour protéger la vie démocratique de ces fausses nouvelles ».

C'est également ce que l'Allemagne vient de faire. Depuis le 1er janvier 2018, les plateformes du type de Facebook, Google ou Twitter risquent une amende de 50 millions d'euros s'ils ne suppriment pas en 24 heures les contenus haineux ou sept jours pour les fake news. L'identité des auteurs devra aussi être dévoilée par les géants du net.

Du côté de la Commission européenne, un groupe d’experts est également en cours de constitution.

II/ Contenu du projet de loi

En cas de propagation d'une fausse nouvelle, il sera possible de saisir le juge à travers une nouvelle action en référé permettant, le cas échéant, de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l'accès au site internet.

Une action en référé était déjà possible pour agir dans l’urgence et faire supprimer un contenu sur internet, mais cette action était conditionnée à la caractérisation d’un contenu diffamant.

On peut toutefois se demander si cette nouvelle action en référé ne fait pas doublon à la première, puisque derrière la diffusion d’informations erronées transparaît généralement un contenu diffamant.

Le projet de loi prévoit enfin le renforcement des pouvoirs du CSA pour encadrer la diffusion des fausses informations, et envisager les sanctions des plateformes.

III/ Limites

Le projet de loi énonce également le renforcement de la transparence des plateformes, dont l’identité devrait être rendue publique, comme ce qui avait été prévu dans la loi pour une République numérique d’octobre 2016. La difficulté sera toutefois de parvenir à déterminer qui est à l’origine de l’information, pour pouvoir en garantir, en aval, la sanction.

Il convient également de bien marquer la frontière entre une véritable Fake News et une information fausse mais relayée de bonne foi. En effet, il n’est pas possible de condamner toutes les fausses informations, et le succès de l’action en référé est dépendant de plusieurs conditions :

Seules les personnes qui savent que l'information qu'elles relayent est fausse sont passibles de poursuites. Ainsi, le juge recherchera la mauvaise foi de la personne à l’origine de l’information. La notion de Fake News suppose une véritable volonté de nuire et d’orienter l’opinion publique dans un sens erroné.

Il faut également parvenir à caractériser un "trouble à la paix publique", ce qui n'est pas aisé.

Evidemment, les détracteurs de ce projet dénoncent les risques d’un tel encadrement, et mentionnent l’intervention excessive des autorités, le risque pour la démocratie et la liberté d’expression. La mise en balance de la liberté d’expression, de la désinformation, et de la véritable propagande est donc nécessaire.

Cela étant, il ne faut pas craindre un encadrement à tout-va, puisqu’encore une fois, le juge, indépendant, reste maître de la sanction.

Enfin, la proposition de loi se limite à la surveillance de la diffusion des informations fausses en période électorale, ce qui restreint son champ d’action. Pour autant, on peut penser qu’il s’agit là d’une porte d’entrée pour étendre à l’avenir cet encadrement à un champ plus large. Quant au fameux principe de neutralité du Net, affirmé en France à l’article L32-1 II. 5° bis du Code des postes et des communications, il a vu sa fin annoncée dernièrement aux EtatsUnis.

Le projet de loi annoncé par Emmanuel Macron pourrait, dans la même mouvance, être vu comme une volonté d’implication des plateformes dans l’analyse des contenus.

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Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC.

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