Le ministère de la Santé des États-Unis, désormais dirigé par Robert F. Kennedy Jr., a lancé, le 1er mai, un programme inédit de 500 millions de dollars (environ 465 millions d’euros) pour développer des vaccins universels. Ce virage inattendu, à la croisée de la science biomédicale et de la stratégie politique, redessine les priorités sanitaires américaines après le Covid-19.
Grippe, coronavirus : les États-Unis investissent 500 millions de dollars dans des vaccins universels

Vaccins universels : la nouvelle arme sanitaire des États-Unis
Le secrétariat américain à la Santé (HHS) a officialisé, le 1er mai, un programme de vaccins dits universels. Officiellement baptisé « Nouvelle plateforme vaccinale universelle pour les virus à potentiel pandémique », le projet vise à développer, d’ici 2029, des formulations capables de protéger contre plusieurs souches d’un même virus, en particulier la grippe et les coronavirus. L’investissement s’élève à 500 millions de dollars, selon le Wall Street Journal, une somme jugée « tout à fait confortable pour ce type de recherche » par Penny Ward, professeure invitée en médecine pharmaceutique au King’s College de Londres. Cette enveloppe engloberait la recherche mais aussi potentiellement la construction de nouveaux sites de production.
C’est un tournant, et même un paradoxe, pour Robert F. Kennedy Jr., longtemps figure de proue du vaccino-scepticisme américain. L’homme s’est fait connaître par ses positions virulentes liant vaccins et autisme. Le voir aujourd’hui défendre une stratégie nationale pro-vaccinale frôle le surréalisme scientifique. « C’est un peu bizarre qu’une telle initiative soit prise par quelqu’un comme Robert F. Kennedy Jr., mais tant que la recherche est réellement menée, ne boudons pas notre plaisir », a commenté Paul Hunter, professeur de médecine à l’université d’East Anglia, dans des propos rapportés par France 24.
Des vaccins universels pour sauver des vies
La science, elle, reste prudente. L’idée d’un vaccin capable de neutraliser n’importe quelle souche virale fait rêver depuis les années 1980, sans jamais s’être matérialisée. Le terme même d’« universel » dérange. Selon la virologue Lindsay Broadbent, de l’université de Surrey, il serait plus rigoureux de parler de vaccins « à large spectre », c’est-à-dire visant plusieurs souches d’un même agent pathogène. L’enjeu est colossal, chaque année, la grippe entraîne entre 300 000 et 500 000 décès dans le monde, et les vaccins actuels n’offrent qu’une efficacité de 40 à 50 %, du fait des mutations rapides et imprévisibles du virus.
Contrairement aux coronavirus, qui mutent lettre à lettre, les virus de la grippe peuvent réécrire tout un paragraphe à chaque saut évolutif. Ce que confirme la chercheuse : « Les virus de la grippe peuvent changer l’équivalent d’un paragraphe ou plus en une seule mutation ». Sur le plan technique, les vaccins ciblent la protéine hémagglutinine, utilisée par le virus pour s’arrimer aux cellules humaines. Mais dans le seul groupe des grippes A, il existe 16 formes de cette protéine. Selon Estanislao Nistal Villán, virologue à l’université San Pablo CEU de Madrid, développer une molécule active sur toutes ces variantes est un « défi colossal ».
Des virologues choisi par Donald Trump
Le paradoxe n’est pas que scientifique. Il est aussi politique, et il interroge. Pourquoi Robert F. Kennedy Jr., si critique des institutions sanitaires, engage-t-il maintenant la nation sur une voie vaccinale d’envergure ? Est-ce un reniement stratégique ou une tentative de reconquête idéologique ? Ce projet vaccinal semble aussi porter la trace de l’administration Trump.
Selon France 24, plusieurs virologues impliqués dans les programmes soutenus ont été nommés par l’administration de Donald Trump, dont Matthew Memoli, désormais vice-directeur des National Institutes of Health (NIH). De quoi faire tiquer une partie de la communauté scientifique. « La bonne manière de procéder aurait été d’injecter ces fonds dans le circuit traditionnel de la recherche médicale [...] et non pas allouer ces fonds pour des raisons politiques », regrette Peter Openshaw, immunologue à l’Imperial College de Londres, dans des propos rapportés par la chaîne d'informations.