Monsieur Macron, il est possible de mettre en place une fiscalité du commerce plus simple pour plus de compétitivité et plus de pouvoir d'achat.
Alors que vous défendez au parlement une loi courageuse qui doit libérer notre économie de carcans archaïques qui brident notre compétitivité, il est paradoxal de constater la résurgence de vieux réflexes idéologiques qui poussent votre majorité parlementaire à déclarer la guerre à la grande distribution, en l’accablant toujours plus d’impôts et de taxes qui conduiront inéluctablement à sa perte un secteur pourtant porteur de développement et de créations d’emplois.
Mais de quoi l’accuse-t-on au juste ?
Par une accumulation de clichés et contre-vérités, beaucoup parmi nos élus la pense coupable d’engranger des profits mirifiques sur le dos des petits producteurs, de capter la clientèle en programmant la mort du commerce de centre-ville, de détenir une situation de quasi-monopole au moyen de l’autorisation administrative, de bénéficier indument des avantages du CICE alors qu’elle n’est pas soumise à la concurrence internationale.
C’est là, vous le savez bien, faire preuve d’une totale méconnaissance des réalités économiques auxquelles les entreprises du secteur, majoritairement dirigées par des indépendants qui doivent assumer des risques financiers considérables, sont confrontées au quotidien.
Plus de 80 taxes accablent la filière du commerce (18 rien que pour la grande distribution) qui a connu une hausse de la fiscalité de 66 % depuis 2000 et ce sont 580 millions d’euros qui seront encore pris dans les caisses des entreprises, dans les prochains mois. 200 millions d'euros de majoration de la TASCOM, 180 millions d'euros pour l’intégration des temps de pause dans le calcul des cotisations patronales et 200 millions d'euros de réforme sur les sacs plastiques.
La seule TASCOM a augmenté de près de 800 millions d'euros depuis 2003, passant de 220 millions d'euros à près d’un milliard d'euros en 2015. Au final, les distributeurs constatent que depuis 2007, ces taxes dépassent l’impôt sur les sociétés, certains d’entre eux versant davantage d’impôts et de taxes qu’ils ne réalisent de résultat net !
Nous sommes arrivés là à un point de rupture qui risque de mettre en difficulté ce secteur de plus en plus concurrencé par les géants du e-commerce, Amazon et Google en tête, qui tirent avantage des subtilités de l’optimisation fiscale. Une stratégie qui leur permet de bénéficier d’un véritable jackpot. En effet, si l’incidence des cotisations patronales des charges sociales est de 35,60 % en France, il n’est que de 14 % au Luxembourg et de 11 % en Irlande où sont respectivement domiciliés ces opérateurs.
Alors que selon le Conseil national du numérique, les revenus générés en France par Google, iTunes, Amazon et Facebook oscilleraient entre 2,5 et 3 milliards d’euros, ces groupes s’acquitteraient en moyenne de 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés, au lieu des 500 millions d'euros qu'ils devraient régler dans le cadre d'une application stricte du régime fiscal français.
Tous les acteurs du secteur ne se battent pas à armes égales !
Pourtant, nos parlementaires viennent, avec la récente augmentation de 50 % de la TASCOM, de leur offrir un nouvel avantage concurrentiel qui vient accentuer, s’il en était besoin, une discrimination fiscale inacceptable.
Animés par la seule volonté de reprendre d’une main, ce qu’ils avaient été obligés d’octroyer de l’autre dans le cadre du CICE, ils ont, sans en mesurer les conséquences, mis en danger nos entreprises.
Les 400 millions d’euros du CICE versés au secteur de la distribution ne constituaient pas un "cadeau", mais le moyen de continuer à investir et à créer des emplois en France, notamment pour les travailleurs peu qualifiés auquel le secteur est un des derniers à offrir une chance. Le dispositif a ainsi permis la création de 14 000 emplois en 2013. La lutte contre le chômage ne serait-elle plus la priorité de notre gouvernement ?
Hélas, les récentes mesures conjuguées à la concurrence du e-commerce et la baisse de la consommation risquent au contraire de fragiliser l’ensemble du secteur, y compris en centre-ville, en raison d’une perte de chiffres d’affaires au m², et de provoquer une vague de friches commerciales et la suppression de 35 000 emplois dans les cinq prochaines années.
Aurait-on oublié que sans la grande distribution, c’est tout un pan de l’économie qui s’écroulera et entraînera dans sa chute de nombreux sous-traitants ? A-t-on bien mesuré les conséquences d’une telle décision notamment sur les prix ?
Avec des marges au plus basses (l’Observatoire des prix et des marges, un organisme sous tutelle des ministères de l’Agriculture et l’Économie, confirme en 2013 une rentabilité nette faible en moyenne de 1,5 %), les enseignes, majoritairement dirigées par des indépendants qui se sont lourdement endettés pour se lancer, n’auront d’autre choix que de répercuter sur les prix cette surtaxe de 200 millions pour garantir leur viabilité.
Au final, c’est donc bien le consommateur qui paiera le mouvement d’humeur de nos députés, au risque de plomber une croissance déjà atone !
Ce constat alarmant exige une réponse à la hauteur des enjeux.
C’est pourquoi, Monsieur le Ministre, nous appelons à une remise à plat de la fiscalité sur le commerce, qui soit animée par la volonté de renforcer la compétitivité de nos entreprises en supprimant les lourdeurs actuelles et de rationaliser l’impôt en le rendant plus lisible et moins cher à collecter.
Comment ?
- En supprimant les taxes actuelles au profit d’un impôt unique via une TVA majorée de 2,08 % en moyenne. Le moyen de faire baisser de manière globale les prix pratiqués par nos enseignes de 1,36 %.
- En allégeant les charges sociales salariales de 5,48 %, pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés de 5,06 %.
- En allégeant les charges sociales patronales de 3,92 % (CICE compris) pour redonner de la compétitivité à nos entreprises et de l’oxygène aux trésoreries.
Le tout, sans pertes de recettes pour l’État !
Des mesures simples à mettre en œuvre, qui permettraient d’augmenter globalement le pouvoir d’achat des consommateurs de 6,51 % et d’assurer la survie d’un secteur moteur de développement dans les territoires et de création d’emplois non délocalisables.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mon plus grand respect.
Marcel Verfaillie