Jean-Marie Le Pen devient-il le meilleur ennemi du Front National ?

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Par Christophe Premat Modifié le 1 juin 2015 à 9h52
Jean Marie Lepen Front National

Le Front National vit une époque sacrificielle paradoxale : comment réaliser le meurtre du père pour instituer définitivement la légitimité de la dynastie Le Pen ?

Jean-Marie Le Pen, un bouc émissaire ?

René Girard a tout au long de son œuvre insisté sur la dimension symbolique et sacrificielle du bouc-émissaire. Pour un Jean-Marie Le Pen qui a toujours désigné les étrangers comme étant les responsables des maux de la France, le destin a un parfum d´ironie. Au-delà de la mise en scène spectaculaire de la dynastie Le Pen en allant de la fille un temps légitimiste jusqu´à la petite-fille qui soigne l´héritage des valeurs, on peut se demander si cette mise à l´écart est de l´ordre de la régénération symbolique du parti ou au contraire si elle participe d´un tournant idéologique de cette formation engrangeant des succès électoraux successifs.

C´est un sacrifice nécessaire non pas sur l´autel des idées mais sur la stratégie politico-médiatique engagée par Marine Le Pen souhaitant joindre la protestation des "sans grade" (terme utilisé par Jean-Marie Le Pen le soir du 21 avril 2002) délaissés par la mondialisation à la strate historique des électeurs du Front National. Le Front National a changé de stratégie en adaptant à la marge son fonds de commerce idéologique. L´antisémitisme disparaît pour laisser place à un discours antimusulman accroché à une valeur-phare de la république, celle de laïcité que cette formation avait pourtant attaquée en son passé.

Un parti d'extrême-droite en quête de pouvoir

Le Front National demeure un parti d´extrême-droite en quête de pouvoir. Si l´éviction de son président d´honneur est inéluctable, elle n´en demeure pas moins un mal nécessaire. Jean-Marie Le Pen se trouve extérieur à son propre parti, son produit qu´il a mis toute une vie à créer au service de sa personne sans forcément penser à diriger le pays. Une formation politique centrée autour d´un chef a dû mal à survivre si elle ne crée pas des strates intermédiaires (une organisation avec des cadres et une structuration des mouvances qui lui sont liées).

L´éviction de Jean-Marie Le Pen devient une chance inespérée de mettre à exécution le meurtre parfait et de préparer un enterrement politique avant la lettre. En ce sens, Jean-Marie Le Pen est l´allié sacrificiel de cette mutation à ceci près que sa révolte mal contenue pourrait entamer une partie de la crédibilité de cette formation politique. Cependant, dans un pays qui n´est pas avare de scandales politiques, ce meurtre n´est en réalité pas gênant, il contribue plutôt à susciter un intérêt envers ce parti qui s´implante durablement dans le paysage politique français.

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Christophe Premat est député, socialiste, des Français établis en Europe du Nord. À l’Assemblée Nationale, il siège à la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education et est membre du groupe d’amitié France-Suède ainsi que du groupe d’études « Arctique, Antarctique et Terres australes et antarctiques françaises ». Il est également membre du Conseil d’administration de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger).

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