Fiches de paie allégées, ZFE menacées, bistrots encouragés : un vent de simplification souffle sur l’Assemblée. Mais derrière l’objectif de clarté, certains voient une purge masquée.
Loi de simplification : vers un ménage musclé dans les normes françaises

Le 9 avril 2025, l’Assemblée nationale a entamé l’examen du très attendu projet de loi de simplification, un texte porté par le gouvernement et qui suscite d’ores et déjà des débats houleux. Objectif affiché : débroussailler la jungle administrative française.
Simplification à l’Assemblée nationale : l’outil de la modernité ou de la casse ?
Le projet de loi de simplification, déposé à l’Assemblée le 23 octobre 2024 sous le numéro 481 rectifié, vise à alléger les procédures économiques, juridiques et sociales. Adopté au Sénat à l’automne, il entre à présent dans l’arène parlementaire avec une procédure accélérée.
Les dispositions couvrent un large spectre : réduction drastique des lignes sur les fiches de paie, délais raccourcis pour l’indemnisation des sinistres, facilitation de l’obtention des licences IV dans les communes rurales pour l'ouverture de bistrots, et surtout remise en question des ZFE (zones à faibles émissions), qui régulent l’accès des véhicules polluants aux grandes agglomérations.
Le gouvernement défend un projet "technique", "pragmatique", censé "remettre de la lisibilité dans l’action publique" et "rétablir la confiance dans l’appareil administratif". Mais l’opposition, en particulier écologiste, y voit un tout autre dessein.
La simplification, hache en main : la révolte des écologistes contre le démantèlement réglementaire
Dès les premières discussions, les députés écologistes ont crié à la "liquidation". Pour Charles Fournier, porte-parole du groupe Écologiste à l’Assemblée, le projet est une "loi de liquidation de la loi climat et résilience" adoptée en 2021. Lors d’une conférence de presse le 8 avril 2025, il dénonce un texte devenu "le défouloir anti-écolo et anti-social" de la droite et du Rassemblement national.
Le mot est lâché : "tronçonneuse". Charles Fournier accuse ses adversaires de détruire les protections environnementales à la tronçonneuse, une image brutale mais savamment choisie pour illustrer ce qu’il considère être une attaque méthodique contre les acquis climatiques et sociaux. En effet, Javier Milei, président argentin, a démocratisé l'image de la tronçonneuse par ses mesures destinées à couper à tout va dans les réglementations, impôts et taxes en tout genres qui entravaient le développement économique de l'Argentine.
À l’appui de ces accusations, une série d’amendements adoptés en commission, visant à supprimer des agences publiques, simplifier les procédures environnementales ou alléger les contrôles. Autant de mesures qui font craindre une forme de déréglementation "à la Milei", voire "à la Trump" selon certains députés.
ZFE, fiches de paie, bistrots : quand la loi simplification refonde la vie quotidienne
Mais au-delà des joutes idéologiques, le texte contient des mesures concrètes aux effets immédiats. Le ministère de l’Économie propose de ramener la fiche de paie à 15 lignes, mettant en avant le "total versé par l’employeur", les autres détails restant accessibles sur demande. Une mesure supprimée au Sénat mais attendue pour être restaurée à l’Assemblée.
Autre disposition : le délai de remboursement par les assurances serait plafonné à 6 mois pour les catastrophes naturelles et 2 mois pour les sinistres simples, contre plusieurs années parfois aujourd’hui.
Dans les zones rurales, où les cafés sont passés de 200 000 en 1960 à 38 000 en 2023, la loi facilite l’ouverture de nouveaux établissements. Les communes de moins de 3 500 habitants pourront obtenir une licence IV par simple déclaration en mairie. De quoi ranimer les territoires, selon les partisans de la mesure.
Et puis il y a le dossier explosif des ZFE. Créées pour réduire la pollution, ces zones sont perçues comme une "punition pour les plus modestes", selon François Bayrou. Supprimées en commission le 26 mars contre l’avis du gouvernement, leur avenir reste incertain. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, promet un assouplissement mais les critiques s’accumulent.
Vers une Assemblée nationale polarisée : la simplification ou l’idéologie ?
Ce projet de loi cristallise deux visions de l’État. Pour ses soutiens, il s’agit de moderniser, clarifier, rationaliser. Pour ses adversaires, c’est une attaque coordonnée contre les normes sociales, environnementales et sanitaires.
Le rapport de force est net : les députés de droite et du Rassemblement national se montrent particulièrement actifs pour supprimer les garde-fous réglementaires. Et dans le chaos ambiant, même les macronistes semblent hésiter. "C’est la débandade", confient des élus écologistes à Le Figaro.