Marine Le Pen en procès : sera-t-elle là en 2027 ?

Accusée dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires européens, Marine Le Pen fait face à des réquisitions lourdes qui incluent cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, ce qui empêcherait immédiatement sa participation à toute élection, même en cas d’appel.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Modifié le 14 novembre 2024 à 13h35
Marine Le Pen

Marine Le Pen inéligible en 2027

Depuis septembre 2024, Marine Le Pen, aux côtés de 24 autres prévenus, est jugée pour détournement de fonds publics dans le cadre de l'utilisation d'assistants parlementaires au Parlement européen. Selon les procureurs, ces fonds auraient été utilisés à des fins personnelles et partisanes au profit du RN. Le parquet requiert cinq ans de prison, dont trois avec sursis, une amende de 300 000 euros, ainsi qu'une peine de cinq ans d'inéligibilité exécutée de manière provisoire, ce qui signifierait une interdiction immédiate de toute participation électorale, même si la condamnation est contestée en appel.

Le volet judiciaire s'appuie sur la loi « Sapin 2 », qui impose une inéligibilité automatique pour ce type de délits depuis son entrée en vigueur en décembre 2016. Cette loi pourrait ainsi écarter Marine Le Pen des échéances électorales jusqu'en 2029, un coup potentiellement fatal pour sa carrière politique. Cette situation a d’ores et déjà provoqué des réactions au sein de son parti, mais aussi parmi ses opposants.

Un soutien inattendu de Gérald Darmanin

La classe politique, y compris certains des adversaires de Marine Le Pen, a exprimé des réserves sur la légitimité de la peine d’inéligibilité requise. Gérald Darmanin, ancien ministre de l'Intérieur, a qualifié de « profondément choquant » que Marine Le Pen puisse être privée de sa candidature, affirmant que « combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs ». Pour Darmanin, cette action pourrait creuser le fossé entre les élites politiques et une population majoritairement favorable à la pluralité démocratique.

Dans une déclaration publiée sur X (anciennement Twitter), il exprime son inquiétude : « Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français ». Sa prise de position, inhabituelle de la part d'un membre de la majorité présidentielle, souligne un point sensible : l'inéligibilité d'une candidate rassemblant des millions de voix pourrait être perçue comme une manœuvre pour influencer le jeu électoral. Il ajoute d’ailleurs : « N'ayons pas peur de la démocratie et évitons de creuser, encore plus, la différence entre les 'élites' et l'immense majorité de nos concitoyens », une critique implicite adressée aux institutions et au système judiciaire qui pourraient renforcer le sentiment d'exclusion de la population.

Dans le camp macroniste, Gérald Darmanin se trouve toutefois assez isolé. Sacha Houlié, ex-président de la commission des lois, défend la légitimité des réquisitions, affirmant : « La loi de la République s'applique à tous. A tous les prévenus. A tous les délinquants ». Cette déclaration vise à souligner que la justice doit être rendue de manière impartiale, indépendamment de la popularité ou de la stature des personnalités concernées. Cependant, même parmi ceux qui soutiennent l’application stricte de la loi, certains reconnaissent le caractère sensible de cette décision, d'autant plus qu'elle concerne une personnalité politique influente.

Gérald Darmanin critiqué par Xavier Bertrand

Invité sur RTL, Xavier Bertrand a vivement critiqué la position de Gérald Darmanin. Selon lui, « La loi existe. Elle s'applique à tous et personne n’est au-dessus des lois ». Malgré sa proximité avec Darmanin, qu’il dit estimer profondément, Xavier Bertrand le met au défi de « déposer une proposition de loi pour supprimer l’inéligibilité » s’il souhaite vraiment aller au bout de sa pensée. Concernant Marine Le Pen, Xavier Bertrand rappelle les accusations de détournement de fonds publics, soulignant que « si le Parlement européen a été lésé, ce sont nos impôts qui ont été détournés ».

Xavier Bertrand réfute toute idée de déni de démocratie en cas de condamnation de Le Pen, en soulignant que le Rassemblement National a déjà un successeur potentiel en la personne de Jordan Bardella. Il conclut en dénonçant une « hypocrisie » de Marine Le Pen, qu'il qualifie de « girouette » pour ses propos passés contre les élus condamnés, comme Alain Juppé en 2004.

La droite dénonce un procès politique

Certains ténors du Rassemblement National comme Jordan Bardella, président du RN, et Louis Aliot, maire de Perpignan, voient dans ces réquisitions une tentative de « museler » le RN. Ce sentiment est renforcé par les récents bannissements de certaines personnalités de droite sur des plateformes comme Meta, ou encore la suppression de la chaîne C8 de la TNT, perçus comme des tentatives de contrôle de l’opinion publique par certaines instances.

Parmi les soutiens marqués de Marine Le Pen dans cette affaire, Éric Zemmour et Sarah Knafo se sont également exprimés de manière véhémente contre les réquisitions du parquet, dénonçant une tentative manifeste de « manipulation judiciaire » visant à écarter une concurrente politique majeure. Dans une allocution diffusée sur les réseaux sociaux, Éric Zemmour, ancien candidat à la présidentielle et figure influente de la droite française, a dénoncé « une atteinte flagrante à la liberté démocratique des Français ».

Il a ajouté : « Interdire à Marine Le Pen de se présenter est une façon de priver les électeurs d'un choix légitime, d'un choix qui représente un électeur sur trois en France ». Pour Éric Zemmour, cette procédure s’inscrit dans une stratégie plus vaste visant à discréditer et marginaliser les voix de droite : « Ce que l'on observe ici, ce n'est pas seulement une affaire judiciaire, mais une véritable tentative d'étouffement politique ».

Sarah Knafo, députée européenne du parti Reconquête!, a également critiqué les réquisitions en estimant que « cette affaire rappelle combien les institutions peuvent se détourner de leur rôle impartial pour devenir des outils de manipulation politique ». Dans un entretien, Sarah Knafo a ajouté que « priver les Français de leur droit de voter pour une candidate comme Marine Le Pen est un acte profondément anti-démocratique ». Elle a poursuivi en soulignant les parallèles avec la « censure médiatique » que subissent certaines figures de droite, en rappelant que « la liberté d'expression est chaque jour un peu plus menacée dans ce pays, et cette affaire en est une preuve criante ».

Une manoeuvre anti-démocratique ?

Cette affaire rappelle l’invalidation de la candidature de François Fillon en 2017, accusé de détournement de fonds dans des circonstances similaires. Ce précédent alimente l’idée d’une « chasse politique » visant à empêcher certains candidats d'accéder au pouvoir, un sentiment partagé par une partie de l’opinion publique et de la classe politique. Cette comparaison laisse penser que les institutions judiciaires pourraient jouer un rôle dans le contrôle des candidatures, ce qui pose une question cruciale : la justice pourrait-elle interférer dans le processus électoral de manière à influencer l’issue des élections ?

Si le tribunal suit les réquisitions du parquet, Marine Le Pen serait contrainte de se retirer de la course présidentielle, voire de toute autre élection nationale ou locale. Toutefois, un éventuel appel ou pourvoi en cassation pourrait retarder l’application définitive de la peine, ouvrant une brèche pour une potentielle campagne en 2027. Dans l’hypothèse où Marine Le Pen serait élue présidente malgré les poursuites, la procédure judiciaire serait suspendue pendant toute la durée de son mandat, un scénario qui pourrait toutefois intensifier la polarisation politique en France.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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