Mortalité infantile : la France classée dans les derniers pays européens

La France, jadis citée en exemple en matière de santé périnatale, recule méthodiquement dans les classements européens. Le taux de mortalité infantile y stagne, pendant que d’autres progressent.

Jade Blachier
By Jade Blachier Last modified on 21 mars 2025 17h38
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Le 20 mars 2025, l’Institut national d’études démographiques (Ined) a publié un rapport qui, bien qu’appuyé sur des données connues depuis plusieurs années, devrait provoquer un électrochoc. En 2022, la France occupait la 23e place sur 27 pays de l’Union européenne en matière de mortalité infantile. Dans un pays dont le système de santé se veut universel, solidaire et performant, un tel résultat ne peut plus être lu comme une simple anomalie statistique.

Un effondrement progressif masqué par l’inertie administrative

En 1990, la France figurait en tête des classements européens. Vingt ans plus tard, elle restait dans le peloton de tête. Depuis, elle recule année après année, sans réaction structurelle d’ampleur. Cette lente dégradation n’a pas déclenché de mission parlementaire, ni de réforme stratégique de la santé périnatale.

Or, les chiffres sont sans ambiguïté : un taux de 4,5 décès pour mille naissances vivantes chez les garçons, et 3,7 pour mille chez les filles, soit des niveaux supérieurs de 30 à 50 % à la moyenne de l’Union européenne. Pendant ce temps, des pays comme la Suède ou la Finlande approchent les 2,5 pour mille. Et dans le silence le plus total, la France s’installe durablement en bas de tableau.

Une politique de périnatalité fragmentée et sous-financée

Le recul français ne tient pas à une quelconque fatalité biologique. Il résulte de choix politiques concrets, ou plus exactement d’un manque de choix. Depuis une quinzaine d’années, la politique de périnatalité est fragmentée entre différents niveaux d’intervention : État central, agences régionales de santé, caisses d’assurance maladie, établissements publics, collectivités locales. À force de dilution des responsabilités, aucune stratégie d’ensemble ne s’impose.

La fermeture progressive des maternités de proximité, non compensée par un renforcement des dispositifs de suivi en ville, a dégradé la continuité des parcours de soins. Dans les territoires ruraux ou périurbains, les patientes doivent souvent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour bénéficier d’un accouchement médicalisé. Quant aux maisons de naissance, censées offrir une alternative de proximité et de sécurité pour les grossesses sans risque, elles restent à l’état expérimental malgré des résultats probants. Leur développement n’a jamais fait l’objet d’un soutien budgétaire structurant.

Ce déficit d’organisation est aggravé par une baisse tendancielle des moyens humains. Le manque de sages-femmes, la désaffection pour l’obstétrique hospitalière et la surcharge des urgences obstétricales contribuent à des prises en charge tardives ou incomplètes, avec des conséquences directes sur les issues néonatales.

Des effets statistiques qui ne suffisent pas à masquer le problème

Certaines voix institutionnelles ont évoqué l’impact des progrès de la néonatalogie pour relativiser cette stagnation. En effet, la survie temporaire de grands prématurés, désormais comptabilisés comme naissances vivantes suivies de décès, a pu mécaniquement faire augmenter les taux enregistrés. Il ne saurait masquer l’ampleur du phénomène. Les pays qui connaissent les mêmes progrès techniques que la France ont continué, eux, à réduire leur mortalité infantile.

Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas la seule qualité du plateau technique, mais la structuration globale du système. De la prévention au suivi, de l’information aux soins postnataux, la chaîne de responsabilité est longue.

L’impensé des inégalités sociales et territoriales de santé

Les disparités sociales et territoriales, bien que largement documentées par les chercheurs et les professionnels, demeurent mal intégrées dans les priorités ministérielles. Or, la mortalité infantile, comme tous les indicateurs de santé publique, est particulièrement sensible aux inégalités. Les femmes vivant en situation de précarité, isolées, ou résidant loin des centres hospitaliers spécialisés, sont davantage exposées au risque de complications non prises en charge à temps.

L’absence de stratégie nationale explicite en matière de santé maternelle et infantile laisse les ARS gérer localement des problématiques qui nécessitent une vision centrale, dotée de moyens pérennes. En 2025, aucun plan pluriannuel cohérent n’est consacré à la réduction des inégalités périnatales. Et les missions d’évaluation existantes sont rarement suivies d’effets.

Un révélateur politique du désengagement de l’État en France

La situation actuelle met en lumière un désengagement progressif mais profond de l’État sur les enjeux de première enfance. Dans un contexte de rationalisation budgétaire, les choix effectués ces dernières années ont souvent privilégié des logiques de court terme, sans considération des conséquences sur les déterminants de santé à long terme.

La santé périnatale ne mobilise ni les arbitrages politiques ni les financements au même titre que d’autres secteurs plus visibles ou électoralement porteurs. Pourtant, les conséquences d’un tel recul sont durables. Un système qui échoue à protéger les plus jeunes de ses citoyens signe l’échec de son modèle de protection sociale.

La publication du rapport de l’Ined aurait pu être l’occasion d’une relance du débat parlementaire sur l’organisation de la filière périnatale. Pour l’heure, le gouvernement n'a pas annoncé la moindre inflexion stratégique.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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