Santé : couper dans l’AME n’est pas un tabou pour Retailleau

Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a affirmé dimanche 19 janvier sa volonté de “toucher” à l’Aide Médicale d’État (AME), un dispositif pour les étrangers en situation irrégulière en France. Si ses partisans saluent une mesure jugée nécessaire pour contenir les flux migratoires, d’autres dénoncent une atteinte grave aux droits humains.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 21 janvier 2025 à 15h40
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Le 19 janvier 2025, Bruno Retailleau a annoncé que le gouvernement "touchera" à l’Aide Médicale d’État (AME), un dispositif instauré en 2000 pour permettre aux étrangers sans titre de séjour régulier de bénéficier de soins de santé en France. Cette déclaration intervient alors que le gouvernement débat du projet de loi de finances pour 2025, dans un climat politique particulièrement tendu. À travers cette proposition, Retailleau entend restreindre l’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière, en réduisant le dispositif à une simple « aide d’urgence ».

Qu’est-ce que l’AME et pourquoi Bruno Retailleau veut-il la réformer ?

L’Aide Médicale d’État (AME) est un dispositif de la politique sociale française. Créée pour garantir un accès aux soins des populations les plus vulnérables, elle permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un suivi médical complet. Loin de se limiter aux urgences, l’AME couvre des soins divers, allant des consultations aux hospitalisations, en passant par les médicaments prescrits. Son coût annuel avoisine 1 milliard d’euros.

Pour Bruno Retailleau, cette aide est devenue un problème. Selon lui, l’AME constitue un « appel d’air » pour l’immigration clandestine. Il estime que cette politique généreuse positionne la France comme une destination privilégiée pour les migrants irréguliers, notamment en comparaison d’autres pays européens. Afin de répondre à cette situation, Bruno Retailleau propose de transformer l’AME en une aide d’urgence, limitée aux soins vitaux. Il s’agirait, selon ses mots, de recentrer les priorités sur l’essentiel tout en limitant l’attractivité migratoire de la France.

Un débat politique sous haute tension

L’annonce de cette réforme a suscité des réactions immédiates et vives dans la sphère politique. Les partis de gauche, en particulier, s’y opposent fermement. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a dénoncé une « attaque frontale contre la solidarité nationale », soulignant les conséquences dramatiques que cette mesure pourrait avoir sur la santé publique et la dignité humaine. Pour lui, réduire l’AME équivaut à mettre en péril la santé des plus fragiles, ce qui pourrait également peser indirectement sur les urgences hospitalières déjà surchargées.

Raphaël Glucksmann, eurodéputé de Place Publique, a exprimé des préoccupations similaires. Selon lui, cette réforme serait « inefficace pour gérer les flux migratoires » et risquerait d’aggraver les tensions sociales. Le Rassemblement National (RN) et une partie de la droite soutiennent Retailleau, affirmant que la réforme est nécessaire pour maîtriser les dépenses publiques et mieux contrôler l’immigration.

Les conséquences potentielles inquiètent aussi les professionnels de santé. L’accès réduit aux soins pourrait entraîner des retards de diagnostic, des complications médicales et un coût accru pour le système de santé à travers des hospitalisations d’urgence.

Les pays européens comparés

Pour appuyer son projet, Bruno Retailleau met en avant une comparaison européenne. La France serait, selon lui, l’un des rares pays à proposer une couverture médicale aussi étendue pour les sans-papiers. En Allemagne, l’aide se limite aux soins d’urgence, tandis qu’en Espagne, elle ne couvre que les consultations de base. Le Royaume-Uni, de son côté, impose des restrictions et facture certains traitements aux étrangers en situation irrégulière.

Un projet qui dépasse la seule question de la santé

L’initiative de Bruno Retailleau ne se limite pas à l’AME. Lors de son intervention, il a également évoqué le droit du sol, qu’il souhaite restreindre. Inspiré par les mesures en vigueur à Mayotte, il propose d’imposer des critères de présence prolongée sur le territoire français pour les enfants nés de parents étrangers. Cette prise de position s’inscrit dans une stratégie globale visant à durcir la politique migratoire française.

Le projet de réforme de l’AME porté par Bruno Retailleau soulève des débats intenses, opposant une logique budgétaire et migratoire à des considérations sanitaires et humanitaires. Alors que ses partisans appellent à un alignement sur les pratiques européennes et à un contrôle accru des flux migratoires, d'autres dénoncent un recul des droits fondamentaux.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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