La proposition de loi du groupe Liot, votée à l’Assemblée nationale, introduit une suspension des fermetures de maternités pour trois ans. Un texte adopté dans un contexte où les chiffres de la mortalité infantile suscitent l’attention du législateur.
Mortalité infantile en hausse : un moratoire pour maintenir les maternités

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi instaurant un moratoire de trois ans sur les fermetures de maternités. Cette initiative, portée par le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot), intervient alors que les données récentes de l’Insee confirment une augmentation continue du taux de mortalité infantile en France depuis une dizaine d’années.
Maternité : une suspension provisoire et ciblée
Le texte adopté suspend, pour une durée de trois ans, les fermetures de maternités publiques et privées, sauf en cas de menace avérée pour la sécurité des patientes et des nouveau-nés. Il prévoit également la réalisation d’un état des lieux national des maternités pratiquant moins de 1 000 accouchements par an, ainsi que la création d’un registre national des naissances.
La mesure a été approuvée par 97 voix contre 4, tandis que 23 députés se sont abstenus. Elle s’inscrit dans le cadre de la « niche parlementaire » du groupe Liot, qui a choisi de placer cette proposition en tête de son ordre du jour. En séance, le gouvernement a émis un avis de sagesse, sans opposition de principe.
Initialement rejetée en commission des affaires sociales, la disposition relative au moratoire a été réintroduite grâce à plusieurs amendements portés en séance, soutenus au-delà des clivages partisans.
Une réponse à une dynamique démographique préoccupante
L’objectif affiché du texte est d’apporter une réponse à la dégradation des indicateurs de mortalité infantile. En 2024, selon les données de l’Insee, le taux de mortalité infantile a atteint 4,1 pour 1 000 naissances vivantes, contre 3,5 en 2011. Ce niveau replace la France dans le quart inférieur du classement européen, à la 23e place sur 27 États membres de l’Union européenne.
L’augmentation est particulièrement marquée pour les décès survenant entre un et 27 jours de vie. Plusieurs études évoquent des facteurs complexes et combinés : vieillissement de l’âge des mères, augmentation des grossesses multiples, disparités sociales et géographiques, mais aussi accès différencié aux soins selon les territoires.
Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, le groupe Liot met en lien l’augmentation de ces décès avec la diminution continue du nombre de maternités. Selon les chiffres avancés lors des débats, la France est passée de plus de 1 300 établissements dans les années 1970 à environ 460 aujourd’hui.
Accessibilité géographique et sécurité obstétricale : un équilibre débattu
Le débat parlementaire a mis en lumière une tension récurrente dans l’organisation territoriale de l’offre de soins : l’équilibre entre proximité géographique et sécurité médicale. Les promoteurs du texte soulignent que l’éloignement des lieux d’accouchement constitue un risque supplémentaire, en particulier dans les zones rurales et les territoires ultramarins. Certains députés ont rapporté des cas d’accouchements imprévus à domicile faute de maternité accessible dans un délai raisonnable.
À l’inverse, plusieurs intervenants ont exprimé des réserves sur le maintien de structures de petite taille, soulignant qu’un volume insuffisant d’actes peut compromettre la sécurité des soins. La question des effectifs médicaux, en particulier la présence continue de gynécologues-obstétriciens et d’anesthésistes, a également été soulevée, tout comme celle des plateaux techniques disponibles.
Le ministre délégué à la Santé, Yannick Neuder, a rappelé que l’évolution de la mortalité infantile ne saurait être imputée à un seul facteur. Il a évoqué une pluralité de causes, incluant notamment des évolutions démographiques, une modification des comportements de recours aux soins, et des déterminants sociaux.
Un texte à portée limitée mais symbolique
La suspension des fermetures ne constitue pas en soi une réorganisation du système hospitalier. Elle s’apparente davantage à une pause réglementaire destinée à mieux documenter la situation avant d’éventuelles décisions structurelles. Le registre national des naissances, prévu dans la loi, répond à un besoin de consolidation statistique des données périnatales, aujourd’hui éclatées entre plusieurs sources.
L’état des lieux sur les maternités de petite capacité devra également permettre d’éclairer la pertinence de leur maintien ou leur transformation. À ce jour, aucune procédure nationale systématique n’encadre les décisions de fermeture, qui relèvent des agences régionales de santé (ARS) après concertation locale.
Le texte adopté ne modifie donc pas les compétences existantes, mais introduit un cadre temporel et une logique d’évaluation. Il suscite l’intérêt d’associations de professionnels de santé et de représentants d’usagers, qui y voient un levier pour rouvrir le débat sur la stratégie périnatale nationale.
Perspectives et mise en œuvre contre la mortalité infantile
Le texte doit désormais être examiné au Sénat, où son avenir reste incertain. La majorité sénatoriale, traditionnellement plus réservée sur les moratoires généralisés, pourrait proposer des ajustements, notamment sur les conditions dérogatoires à la suspension.
D’ici là, le ministère de la Santé devra préciser les modalités de mise en œuvre des deux volets techniques de la loi : l’inventaire des maternités concernées et la structuration du registre des naissances. Ces éléments seront déterminants pour évaluer l’impact réel du dispositif sur la politique de natalité et sur la réduction des inégalités d’accès aux soins.