Poutine, Trump, dissuasion nucléaire… : qu’en pense François Bayrou ?

Le Premier ministre François Bayrou était l’invité de Laurence Ferrari et de Sonia Mabrouk dans la matinale d’Europe 1 et CNews, ce vendredi 7 mars 2025.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 7 mars 2025 à 16h47
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Poutine, Trump, dissuasion nucléaire… : qu'en pense François Bayrou ? - © PolitiqueMatin

Bouleversement géopolitique, un allié devenu imprévisible, une défense européenne à repenser, des finances publiques dans un état catastrophique… Comment le chef du gouvernement François Bayrou analyse-t-il les derniers événements, et quelles sont ses priorités ?

« La loi du plus fort » s'installe sur la scène internationale

Entre l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 et la réélection de Donald Trump à la Maison-Blanche, les cartes de la scène internationale ont été entièrement rebattues. Pour le Premier ministre François Bayrou, la guerre en Ukraine n'est autre que le marqueur d'un basculement dans l’histoire contemporaine, celui-ci considérant au micro de CNews et Europe 1 que « Le monde dans lequel nous avons vécu depuis la guerre est passé dans un autre monde où règne la loi du plus fort ».

Selon le locataire de Matignon, cette mutation géopolitique s'apparente ni plus ni moins à un retour aux années 1930, sous-entendu celui de la montée en puissance des régimes totalitaires. La Russie, pourtant membre du Conseil de sécurité de l’ONU, rappelle-t-il, « fait ce que d’autres pays dans les années 30 et 40 ont fait sur leurs voisins. Et c'est une chose dont nous savions depuis le premier jour que ça changerait la manière dont les nations vont vivre ensemble. « Si l'on ne voit pas que ceci est un déstabilisateur de toute la vie de la planète, on ne voit rien », poursuit-il. Un constat qui, selon lui, doit alerter sur l’urgence d’un réarmement européen. En d’autres termes, si l’Europe ne veut pas connaître le même sort que l’Ukraine demain, elle doit se donner les moyens de sa défense.

La France doit-elle faire confiance à Trump ?

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ajoute une dose supplémentaire d’incertitude à cette situation déjà inquiétante. Pour François Bayrou, le président américain ne cache plus sa volonté de renverser les alliances traditionnelles et viserait même à une « destruction de l'ordre international ». Celui-ci prend pour preuve les déclarations de Donald Trump à l'endroit du canal de Panama, mais aussi sur le Groenland et Gaza, qu'il rêve de transformer en Riviera, « en une station balnéaire ».

Plus inquiétant encore, souligne le Premier ministre, Trump a ouvertement déclaré une « guerre commerciale » à l’Europe. « Un allié qui vous déclare une guerre commerciale et un allié qui veut annexer des territoires qui appartiennent à des pays libres… Est-il encore un allié ? », s’interroge le Premier ministre.

Dissuasion nucléaire : une ligne rouge à ne pas franchir

Face à cette instabilité grandissante, la question de la dissuasion nucléaire française refait surface, ou plutôt, a été mise sur la table par Emmanuel Macron. Le président a en effet évoqué son intention de lancer un débat stratégique visant à discuter de la possibilité d’étendre la protection nucléaire de la France à ses partenaires européens. La ligne de François Bayrou à ce sujet, qui fait écho à celle du général de Gaulle, est on ne peut plus claire et ferme : « On ne peut pas partager la dissuasion nucléaire », tranche-t-il.

Pour le Premier ministre, seul le Président de la République détient le pouvoir de déclencher l’arme nucléaire, et cela doit rester ainsi : « Il est élu pour ça », rappelle-t-il. Néanmoins, le locataire de Matignon reconnaît qu'en étant membre de l'Union européenne, et au vu de ses inquiétudes à l'égard d'une éventuelle menace russe sur les autres pays du vieux continent, celui-ci estime que les intérêts vitaux de la France ne se limitent pas à son seul territoire, laissant ainsi la porte ouverte à une coopération plus étroite entre les membres de l'UE et la France sur la question de son parapluie nucléaire.  Quid du financement de cette éventuelle coopération ? François Bayrou a cherché à rassurer, en évoquant la possibilité d'un emprunt national : « C’est une possibilité, mais rien n’est décidé ».

Finances publiques : une équation insoluble ?

Alors que le Président s'est donné pour objectif que le budget de la défense soit de 3 à 3,5 % du PIB (contre 2 % actuellement), sans hausse d'impôt, l'équation semble quelque peu insoluble au vu de l'état des finances publiques de la France. « On ne peut pas laisser les finances publiques dans l'état de délabrement dans lequel elles sont », alerte François Bayrou. « Le recours à l'impôt est au bout de sa logique », reconnaît par la suite François Bayrou.

Évitant toute référence explicite à la proposition d'Emmanuel Macron, qui envisage de puiser dans l'épargne des Français pour financer l’augmentation du budget de la défense, le chef du gouvernement estime que la seule solution passe par une refonte globale de l’action publique : « Il faudra une réorganisation en matière de santé, de réorganisation de la simplification », insiste-t-il, sans pour autant donner de précisions à ce sujet.

Algérie : une vision diplomatique ferme et pragmatique

Dernier sujet abordé, et non des moindres, par François Bayrou au micro de CNews et Europe 1 : les relations franco-algériennes. Alors que celles-ci se sont fortement détériorées après la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, et qu’une partie de l’échiquier politique français réclame la suppression pure et simple des accords de 1968 ainsi que la libération de l’écrivain Boualem Sansal, le Premier ministre a adopté une posture diplomatique nettement plus ferme que celle du président sur ce sujet hautement sensible.

Si la France entretient des « accords privilégiés » avec l’Algérie, le Premier ministre met en garde contre l’attitude du gouvernement algérien, qu’il accuse de mener « une politique agressive contre la langue française ». François Bayrou a fixé un ultimatum de 4 à 6 semaines aux autorités algériennes pour améliorer les conditions de délivrance des laissez-passer consulaires. À défaut, Matignon pourrait suspendre les accords de 1968, qui encadrent la circulation des ressortissants algériens en France, avertit-il.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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