Remaniement : nouveau gouvernement, Macron enterre-t-il les LR ?

Rarement les discussions pour la formation d’un nouveau gouvernement ont été aussi denses. Gabriel Attal, nommé par le président le 9 janvier pour prendre la suite d’Elisabeth Borne au poste de Premier ministre, a multiplié les rencontres avec Emmanuel Macron afin de composer le nouveau gouvernement. Pas de gros changement en vue, si ce n’est la nomination de Rachida Dati au ministère de la Culture, qui a suscité l’étonnement et provoqué l’ire de sa famille politique.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Publié le 12 janvier 2024 à 15h31
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Un nouveau gouvernement aux visages quelque peu familiers

Gabriel Attal a dévoilé son gouvernement censé être synonyme « d'audace » et redonner du panache au quinquennat du président, en perte de vitesse depuis le vote de la loi sur l'immigration en décembre 2023. Les 14 membres qui le composent suite au remaniement, ont été choisis sous la direction d'Emmanuel Macron et ont été dévoilés dans la soirée du jeudi 11 janvier 2024. Les ministères clés sont restés dirigés par les mêmes personnalités que celles du gouvernement d'Élisabeth Borne. Bruno Le Maire reste ainsi à la tête du ministère de l'Économie, devenant le plus ancien locataire de Bercy de la Ve République. Gérald Darmanin a, lui aussi, été reconduit au ministère de l'Intérieur, Eric Dupont-Moretti au ministère de la Justice, Sébastien Lecornu au ministère des Armées, Marc Fresneau au ministère de l'Agriculture, Christophe Béchu au ministère de la Transition Écologique, et enfin, Sylvie Retailleau au ministère de l'Enseignement Supérieur. D'autres ont simplement changé de poste. C'est le cas notamment de Prisca Thevenot, anciennement secrétaire d'État chargée du SNU, qui remplace Olivier Véran en tant que porte-parole du gouvernement. Amélie Oudéa-Castéra, quant à elle, cumulera deux ministères : celui de l'Éducation nationale, un « superministère », avec celui des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Le lien entre les deux reste un mystère.

Restent les nouvelles entrées : Olivier Dussopt cède sa place de ministre du Travail à Catherine Vautrin qui remporte par la même occasion le ministère de la Santé et des Solidarités. L'eurodéputé Stéphane Séjourné, qui était pressenti comme tête de liste Renaissance pour les européennes, a, lui aussi, été promu. Il prend la place de Catherine Colonna au poste de ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Comme l'entourage du nouveau locataire du Quai d'Orsay a tenu à le préciser, « M. Séjourné et M. Attal ne sont plus ensemble depuis deux ans. Leur PACS a été rompu à ce moment-là. » Pas de mauvaise langue, Stéphane Séjourné fait partie des « premiers Marcheurs ». Marie Lebec, elle aussi macroniste de la première heure, sera en charge des Relations avec le Parlement. Enfin, et c'est la nomination qui a créé la surprise de ce nouveau gouvernement : Rachida Dati. L'ancienne ministre de la Justice sous Nicolas Sarkozy, figure de proue des Républicains dans l'opposition à Anne Hidalgo à la mairie de Paris, remplace Sonia Abdul Malak au ministère de la Culture.

Le baiser de la mort de Rachida Dati à sa famille politique

L'arrivée de Rachida Dati a déjà fait couler beaucoup d'encre. Si certains ont tenu à saluer sa nomination, comme le député Alexandre Vincendet qui l'a prise comme une « excellente nouvelle », d'autres ont porté leur attention sur sa mise en examen pour « corruption » et « trafic d'influence » suite à une enquête, ainsi que sur ses prestations de conseil auprès de Carlos Ghosn, l'ex-PDG de l'alliance Renault-Nissan. On murmure également que Rachida Dati aurait conclu un accord avec Renaissance pour les prochaines élections municipales de Paris, probablement par anticipation de sa potentielle exclusion du parti des Républicains. Sa promotion pourrait d'ailleurs bien l'aider à gagner davantage de popularité auprès des Franciliens qui seront appelés aux urnes en 2026. Nouveau coup dur pour sa famille politique. Rachida Dati représentait le dernier espoir des Républicains, qui voient leur force politique se réduire après chaque scrutin depuis 2017. Ils pouvaient au moins espérer récupérer la mairie de Paris. Sans grande surprise, l'attaque a d'abord été lancée du côté de la maire de Paris. Le premier adjoint d'Anne Hidalgo s'est empressé de déclarer sur Sud Radio le 12 janvier : « Avant, un ministre mis en examen devait démissionner. Maintenant, une mise en examen pour corruption peut être nommée ministre… », tentant ainsi un procès médiatique plutôt que de laisser faire la justice. Anne Hidalgo s'est contentée de souhaiter « bon courage » au monde de la Culture. Il faut dire que la réputation de Rachida Dati tient à ce qu'elle aime taper dans la fourmilière et qu'elle n'est pas vraiment une grande adepte de l'idéologie woke. Elle pourrait bien initier d'importants changements, en particulier concernant les subventions qui sont accordées à ce milieu.

La nomination de Rachida Dati est surtout embarrassante pour sa famille politique. Cette dernière a demandé au président des Républicains de rester membre du parti, chose qui lui a été refusée : « Rachida Dati a fait le choix d'entrer au gouvernement. Elle se place en dehors de notre famille politique. Elle ne fait désormais plus partie des Républicains », a-t-il fait savoir sur X. Une exclusion qui n'a pas fait l'unanimité auprès de tous les Républicains. Franck Louvrier, maire de La Baule, a déploré cette décision en déclarant sur BFM TV ce vendredi 12 janvier 2024 : « À force de vouloir exclure tout le monde, il ne va rester plus personne ». Mais les Républicains avaient-ils le choix ? Ils peinent à relever la barre depuis le score désastreux de Valérie Pécresse à la dernière élection présidentielle de 2022, qui n'a réussi à réunir que 4,8 % des suffrages au premier tour. Ils ont bien tenté de regagner en crédibilité auprès des Français à l'occasion de la réécriture du projet de loi immigration dans le cadre de la commission mixte paritaire. Mais c'était sans compter sur le Rassemblement national qui a réussi à leur voler la vedette, faisant passer le vote de la réécriture du projet de loi comme leur « victoire idéologique ». Non, les Républicains le savent, avec le départ d'Édouard Philippe, de Bruno Le Maire et celui de Gérald Darmanin dans les rangs de Renaissance, leur différence avec la Macronie tient, pour la majorité des Français, sur un post-it. Le fondateur de Reconquête!, Éric Zemmour, n'a pas hésité à le souligner sur X (ex-Twitter) : « les LR sont des traîtres tout court », ajoutant dans un second tweet, « il y aura bientôt plus d'électeurs des Républicains chez Reconquête qu'aux Républicains. Nous accueillons ces Français sincères avec joie ». Même tonalité du côté de la LFI. La députée Clémentine Autain a jugé sur TF1 Info Rachida Dati comme une « traître à sa famille politique ».

Le Rassemblement national s'est fait plus discret, Jordan Bardella et Marine Le Pen n'ayant tous deux pas pris la peine de réagir. Il faut dire que les internautes s'en sont chargés pour eux en partageant massivement un face-à-face aux allures prophétiques entre Jordan Bardella et Rachida Dati, la nouvelle ministre de la Culture, sur France Inter. Le député de Moselle Laurent Jacobelli (RN) s'est chargé d'en faire l'écho sur LCI : « C'était la première qui nous expliquait que le parti macroniste était un rassemblement de traîtres de gauche et de traîtres de droite ! C'est un peu étonnant quand même. » Rachida Dati est une prise de guerre pour Emmanuel Macron. Le président a finement manœuvré. La méfiance des Français pour la politique n'en est que renforcée. Les Républicains, quant à eux, pourraient ne pas s'en relever.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin depuis septembre 2023.

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