Revalorisation du salaire net : l’U2P avance une réforme à 116 milliards

Face à la baisse continue du salaire net et à un modèle de financement de la protection sociale jugé obsolète, l’Union des entreprises de proximité propose une refonte fiscale structurée autour de la suppression de la CSG-CRDS sur les revenus d’activité.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 6 mai 2025 17h04
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Le 6 mai 2025, l’U2P (Union des entreprises de proximité) a présenté un plan visant à transformer en profondeur la structure du financement social français. L’organisation patronale défend une suppression progressive de la CSG (Contribution sociale généralisée) et de la CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale) sur les revenus du travail, dans le but de revaloriser le salaire net des actifs. Ce projet, chiffré à plus de 100 milliards d’euros, intervient dans un contexte où les prélèvements sociaux sont de plus en plus contestés, notamment par les entreprises de proximité qu’elle représente.

Une baisse nette de la part du salaire perçu

Depuis plusieurs décennies, la part du salaire net dans le salaire brut connaît une diminution continue. L’U2P rappelle que le salaire net représentait 69 % du brut en 1970, contre 60 % en 1990 et seulement 54 % aujourd’hui. Ce glissement progressif traduit l’augmentation de la part des prélèvements sociaux dans le revenu d’activité. Pour les artisans, les commerçants et les professions libérales, cette tendance alimente un sentiment de déconnexion entre le travail fourni et la rémunération effectivement perçue.

L’U2P considère que cette évolution met en péril la capacité du travail à garantir un niveau de vie décent. Le ralentissement de la croissance du pouvoir d’achat, observé depuis plusieurs années, vient renforcer ce constat. À travers cette réforme, l’organisation souhaite replacer le salaire net au centre des politiques publiques, en réduisant la pression fiscale pesant sur le revenu du travail.

Un projet de loi fondé sur la suppression de la CSG et de la CRDS

La mesure centrale du plan consiste en la suppression, étalée sur cinq ans, de la CSG et de la CRDS sur les revenus d’activité. Ces deux contributions, qui représentent une part importante des cotisations sociales, sont aujourd’hui appliquées de manière uniforme à l’ensemble des actifs à un taux global de 9,7 %. L’U2P juge ce système inadapté aux réalités actuelles du marché du travail et propose une alternative destinée à restaurer la cohérence entre effort de production et rémunération.

Selon les projections présentées, la suppression de ces prélèvements permettrait une revalorisation du revenu net de 116 milliards d’euros, au bénéfice de 28 millions de travailleurs. Seraient concernés les salariés, les agents publics, les travailleurs indépendants, ainsi que les dirigeants non-salariés. L’organisation affirme que cette revalorisation se ferait sans augmentation du coût du travail, ce qui permettrait de préserver la compétitivité des entreprises.

Un financement redirigé vers d’autres catégories de revenus

Le volet financier du projet repose sur la mobilisation de nouvelles sources de recettes fiscales. L’U2P suggère de répartir l’effort budgétaire sur quatre axes distincts, à pondérer selon des critères à définir dans le cadre de la discussion parlementaire.

Le premier axe concerne les revenus du capital. Le plan prévoit une augmentation du prélèvement forfaitaire unique (PFU) actuellement fixé à 30 % sur les revenus financiers, ainsi qu’une hausse de la CSG applicable aux revenus fonciers. L’U2P évoque également la mise en place d’un plancher d’imposition pour les foyers percevant des revenus locatifs, afin de réduire les effets d’optimisation fiscale.

Le deuxième levier repose sur les pensions de retraite. L’organisation propose de geler pendant trois à cinq ans les pensions supérieures à 2 500 euros mensuels. Elle recommande aussi la suppression de l’abattement de 10 % sur l’impôt sur le revenu dont bénéficient actuellement les retraités. Cette mesure viserait une catégorie de population moins exposée aux fluctuations économiques récentes.

Le troisième axe concerne la fiscalité du patrimoine. L’U2P propose d’instaurer un plancher de droits de mutation compris entre 10 % et 20 % pour les héritages supérieurs à 500 000 euros par héritier. Cette réforme s’accompagnerait d’un renforcement du pacte Dutreil, qui permet une exonération partielle des droits de succession pour les transmissions d’entreprises. Le taux d’exonération passerait de 75 % à 90 %, sous réserve que les bénéficiaires s’engagent à conserver l’entreprise pendant dix ans.

Enfin, une réforme de la TVA est également envisagée. L’organisation suggère une hausse modérée du taux général de TVA, afin de dégager des marges de manœuvre permettant de réduire le taux sur certains produits de première nécessité. Parallèlement, elle propose d’augmenter le taux de TVA applicable aux produits de luxe jusqu’à 35 %, dans une logique de contribution différenciée selon les types de consommation.

Une réforme systémique qui interroge le modèle social

Par cette initiative, l’U2P entend initier un débat sur les fondements du financement social en France. Le modèle actuel, largement adossé aux revenus d’activité, est jugé peu adapté aux mutations économiques en cours. L’organisation considère que l’assiette des prélèvements doit être élargie aux autres formes de revenu, notamment patrimoniales et de consommation, afin de rétablir une équité contributive entre les différentes catégories de citoyens.

L’annonce de cette proposition intervient alors que le déficit de la Sécurité sociale est estimé à 22,1 milliards d’euros pour 2025, et pourrait atteindre 24,1 milliards en 2028. Dans ce contexte, toute réforme d’ampleur devra être articulée avec les impératifs de soutenabilité budgétaire et d’équité intergénérationnelle.

Si l’exécutif ne s’est pas encore exprimé sur ce plan, la volonté de l’U2P de porter cette réforme sous la forme d’une proposition de loi laisse entrevoir un positionnement stratégique en vue des débats à venir. En s’appuyant sur les enjeux de pouvoir d’achat et de justice fiscale, l’organisation souhaite peser sur l’agenda politique, au-delà des seules revendications professionnelles.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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