Les TPE et la politique : une fracture qui ne cesse de s’élargir

La défiance des très petites entreprises (TPE) envers les institutions françaises atteint des sommets.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 22 janvier 2025 à 16h30
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Le 22 janvier 2025, le dernier baromètre de Fiducial, réalisé par l’IFOP, révèle un pessimisme inquiétant chez les dirigeants des très petites entreprises (TPE). À peine un quart d’entre eux croit en une amélioration de leur activité pour 2025, tandis que la confiance envers les décisions économiques du gouvernement s’effondre. Pour ces structures, qui représentent un pilier essentiel de l’économie nationale, le fossé avec les politiques publiques semble s’élargir dangereusement.

Une fracture grandissante entre les TPE et le gouvernement

La relation entre les petites entreprises et l’État semble plus fragilisée que jamais. Selon l’enquête, seuls 17 % des chefs de TPE expriment une confiance dans les mesures économiques du gouvernement en place, un score historiquement bas. Ce résultat marque une chute brutale de 14 points en un trimestre, symbolisant un sentiment croissant d’abandon. La nomination récente de François Bayrou au poste de Premier ministre a légèrement apaisé la situation, la confiance passant de 13 % lors de la vacance du pouvoir à 20 % après sa prise de fonction. Cependant, cette amélioration reste marginale face à l’ampleur de la défiance générale.

Cette fracture se manifeste également dans les perceptions globales des dirigeants : 85 % se disent pessimistes quant à l’avenir économique du pays. Cette inquiétude dépasse les sphères économiques et s’étend à des domaines comme le fonctionnement des institutions (79 %) ou l’image de la France à l’international (81 %). Ces chiffres reflètent un désarroi qui ne peut être ignoré, tant il menace de freiner l’engagement entrepreneurial et l’innovation au sein des TPE.

Une économie sous tension : les limites des ambitions des TPE

Les perspectives d’embauche et d’expansion des TPE illustrent clairement ce malaise. Pour 2025, seuls 16 % des dirigeants envisagent de recruter, et les prévisions se limitent en moyenne à moins de deux postes par entreprise. En miroir, 6 % des sondés déclarent prévoir des suppressions d’emploi. Ce ralentissement du dynamisme entrepreneurial est particulièrement visible dans des secteurs essentiels comme le bâtiment et l’industrie, où les difficultés financières touchent respectivement 29 % et 26 % des structures.

Par ailleurs, une majorité des TPE anticipent une stagnation de leur activité (45 %), et 30 % prévoient même une baisse pour l’année à venir. Ces chiffres traduisent une réalité crue : face à un contexte économique instable, les petites entreprises adoptent une posture défensive, freinant ainsi leur potentiel de croissance et d’innovation.

Un sentiment d’abandon face aux mutations politiques

L’instabilité politique récente a amplifié ce sentiment de décrochage des TPE. La transition tumultueuse entre Michel Barnier et François Bayrou à la tête du gouvernement n’a pas permis de restaurer une confiance durable. Cette situation rappelle les années suivant la crise de 2008, période où les petits entrepreneurs manifestaient une résilience et une confiance plus marquées envers les institutions. Aujourd’hui, ces indicateurs sont en chute libre, soulignant un fossé grandissant entre les aspirations des TPE et les choix politiques.

Les chiffres témoignent également d’une usure croissante du modèle entrepreneurial français. Alors que 71 % des dirigeants affirment qu’ils referaient le choix de créer leur entreprise, seuls 47 % le feraient avec certitude, contre 56 % en 2010. Ces données traduisent une érosion du goût pour l’entrepreneuriat, alimentée par les contraintes croissantes imposées par le contexte économique et fiscal.

Quelles réponses politiques ?

La défiance des TPE envers les politiques publiques pose une question fondamentale : comment restaurer leur confiance ? Une réponse ambitieuse pourrait passer par un soutien renforcé à ces petites structures, notamment en allégeant leurs charges fiscales et administratives. En outre, un effort pour stabiliser le climat politique serait crucial pour redonner aux entrepreneurs le sentiment que leurs préoccupations sont entendues et prises en compte.

Il ne s’agit pas uniquement d’un enjeu économique : les TPE jouent un rôle clé dans la cohésion sociale et le dynamisme des territoires. Si ces entreprises venaient à réduire leur activité ou à disparaître, l’impact sur l’emploi et les collectivités locales serait considérable. Restaurer leur confiance n’est donc pas seulement une priorité économique, mais une nécessité politique et sociale.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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