En marche pour mettre fin aux nombreuses dérives issues de l’utilisation du statut des travailleurs détachés, le Président de la République visitait cette semaine différents pays de l’Europe de l’Est afin de convaincre ses homologues sur la nécessité d’une réforme.
En France, pour l’année 2015, on dénombrait 286 000 travailleurs détachés. Néanmoins, ce chiffre ne reflète pas la réalité puis qu’on estime pour la même année, le nombre de travailleurs détachés illégaux entre 220 000 et 300 000. Les secteurs les plus concernés sont le BTP, puis l’agriculture et le transport.
Un régime en vigueur lacunaire
Il est important de rétablir alors quelques vérités.
La directive détachement de 1996, n’a pas instauré le dumping social. Son ambition était au contraire de lutter contre la concurrence intra-européenne déloyale. Au dessein d’organiser le statut de ces travailleurs et afin d’éviter le dumping social, cette directive a imposé le respect d’un corps de règles : salaire minimum du pays d’accueil, temps de travail, congés payés et questions de santé…
Une des principales critiques formulées contre le régime actuel est celle des paiements des cotisations des travailleurs détachés. En effet, les travailleurs détachés restent rattachés au régime social de leur pays d’origine. Ce rattachement est prévu par un principe européen datant des années 60 et au niveau national par un règlement sur la Sécurité Sociale de 2004. La directive de 1996 n’en n’est donc pas à l’origine.
Face à l’explosion du détachement, due notamment aux élargissements de 2004 et de 2007, l’Europe a tardivement réagi, deux fois.
La première, en 2012, la Commission a pris l’initiative d’une modification a minima, via une directive d’exécution mais rien sur le fond du texte. En France, cet arsenal s’est doublé d’un renforcement des sanctions via la loi Macron qui avait rendu obligatoire la carte d’identité professionnelle sur les chantiers.
Avait été alors proposée en 2016 une nouvelle refonte de la directive, défendant la règle « à travail égal, salaire égal dans un même lieu ». Ce projet prévoyait que la durée des détachements ne pourrait excéder deux ans. Nouvel échec, onze pays européens, dont dix d’Europe de l’Est ont bloqué et refusé cette proposition.
Vers une réforme de la directive ?
Dans ce cadre et contexte, la démarche du Président semble être la bonne : celle de convaincre, via ses visites au groupe de Visegrad, les pays concernés, d’accepter une refonte du régime en vigueur relatif aux travailleurs détachés, qu’ils ont jusqu’ici refusée, sans les désigner comme seuls responsables des dérives qu’elle a occasionnées.
Et même si lors de sa campagne, Emmanuel Macron était le seul des candidats à se prononcer sur sa volonté de maintenir la directive de 1996, aujourd’hui, je suis satisfaite qu’il prône sa refonte et souhaite principalement limiter la durée des détachements à un an. Bien qu’il s’agisse d’un autre chantier d’une plus grande envergure, au dessein d’une harmonisation sociale européenne, je regrette que le problème du paiement des cotisations au pays d’origine ne soit pas être remis en cause.
La nécessité d’une réforme de la directive est sans appel. Le déséquilibre des marchés européens du travail ne bénéficie à personne, ni aux travailleurs détachés lorsqu’ils servent de main d’œuvre bon marché, ni aux secteurs d’activités souhaitant se redynamiser nationalement.
Cette réforme ne doit pas nous faire oublier que le statut des travailleurs détachés s’inscrit dans les principes directeurs de l’Union Européenne : libre prestation des services au sein de l’UE, une des quatre libertés fondamentales instituées par les traités européens. Sa suppression serait, elle, contraire à l’esprit de l’Union Européenne.