Trump: une anthologie de la réaction nobiliaire en France

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Par Eric Verhaeghe Publié le 10 novembre 2016 à 12h24
Donald Trump Election Etats Unis

L’élection de Donald Trump a donné lieu à un déluge de réactions négatives en France. Toutes ont exprimé la réaction nobiliaire que notre pays traverse. L’aristocratie républicaine ne digère pas le vote américain et ne s’en cache pas. Et, une fois de plus, elle stigmatise chez les autres ce qu’elle pratique allègrement elle-même.

Alain Juppé dénonce la démagogie

Dans son meeting au Palais des Congrès de Bordeaux, Alain Juppé n’a pas caché son mépris pour Trump et l’a associé au Front National (et probablement à Nicolas Sarkozy…). Ses propos n’ont pas manqué de sel:

« Non au clivage, non à la démagogie qui dresse les Français les uns contre les autres, les élites contre le peuple. Cela ne mène à rien, sinon à des blocages plus dangereux encore » (…) « Je contribuerai à mener une campagne digne. Certains se complaisent dans le caniveau » (…) « Honte aux menteurs, honte aux calomniateurs, honte aux manipulateurs d’extrême-droite et à leurs complices. Je resterai digne face aux attaques de tous bords » (…).

« Le Front national nous ment » et ses idées sont « incompatibles avec nos valeurs et notre vision de la France »

La dignité d’un côté, la calomnie et le mensonge de l’autre. Juppé donne dans la dentelle.

François Hollande parle d’incertitude

De son côté, François Hollande a prononcé un rapide discours, tout à fait lunaire, où il a expliqué avec beaucoup d’habileté que l’élection de Trump ouvrait une période d’incertitudes:

En l’écoutant, on se demande si la France n’est pas la plus grande puissance du monde, chargée de veiller au grain américain. Peut-être François Hollande devrait-il examiner son bilan avant d’écrire ses discours. En tout cas, que le bonhomme Hollande se présente comme le garant d’un ordre international paraît totalement estomaquant, et même déplacé au regard de son action.

Ayrault et ses impressionnantes gaffes diplomatiques

Le pompon français a probablement été atteint par le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, qui a tenu des propos qui laissent perplexes sur l’intelligence que le personnage peut avoir de son rôle.

Vigilance, exigence par rapport à nos intérêts mais aussi par rapport à notre conception du monde. On ne veut pas d’un monde où chaque pays se recroqueville derrière ses frontières, monte des murs et ne règle rien et c’est l’égoïsme qui triomphe. […] Il y a plus d’incertitudes mais nous travaillons justement pour les lever. […] Je peux vous dire – je reviens de Chine – que la voix de la France compte et qu’elle est attendue.

Ayrault a-t-il oublié que la France vient de refuser massivement des arrivées de migrants sur son sol? qu’elle a elle-même demandé le rétablissement des contrôles aux frontières? et elle donne aujourd’hui des leçons d’ouverture.

Bayrou dénonce les caricatures

Sur sa page Facebook, François Bayrou s’est lui aussi lancé dans une analyse tout en finesse. On retrouve là le réflexe habituel de l’élite française, qui consiste à réduire le monde à une logique manichéenne… pour dénoncer le manichéisme des autres.

Il y a d’abord une réalité : partout sur la planète les peuples refusent l’ordre établi d’où ils se sentent rejetés.

Mais le changement qu’ils cherchent, ils croient le trouver au travers des excès, des caricatures, des retours en arrière et des rejets. Et c’est là qu’est le danger.

On lit Bayrou, et à aucun moment on ne peut se dire que son analyse donne dans l’excès, la caricature ou le rejet. Fais ce que je dis, mais ne dis pas ce que je fais!

Jacques Attali veut une Europe non-populiste

Dans un tweet éloquent, Jacques Attali a efficacement concentré la pensée de la nomenklatura française, en constatant avec mépris et impuissance le triomphe du « populisme » (entendez les doctrines qui pointent les échecs patents de l’élite au pouvoir).

La révolution populiste commencée avec le Brexit continue avec Trump Pour éviter une grande crise,l Europe doit proposer un contre modèle!

On se marre. « Pour éviter une grande crise »… Mais, précisément, ce qu’Attali appelle le populisme n’est-il pas, très simplement, la réaction des peuples à la grande crise européenne qui dure depuis plus de 10 ans. Et dont il est un initiateur, car, sans le traité de Maastricht, qu’Attali adore, on peut imaginer qu’il y aurait un peu moins de « populisme » en Europe.

Autre réflexe de la nomenklatura: expliquer que le problème, c’est les autres, et que la solution au problème, c’est de continuer comme avant.

Cambadélis et le national-populisme

Comme Blanche-Neige qui voyait des nains partout, Cambadélis voit des nazis partout. Dans sa grande dénonciation du simplisme populiste, il a produit cette extraordinaire déclaration au Monde:

Le national-populisme plus ou moins xénophobe hante le monde occidental, avec sa peur du déclassement, du remplacement et du métissage, déclare au Monde le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Orban, Brexit, l’AfD en Allemagne et, maintenant, Trump. La gauche française est prévenue : elle continue ses enfantillages irresponsables et c’est Le Pen. »

Ben voilà! d’un côté, il y a le camp du « national-populisme », première étape vers le national-socialisme, on l’a bien compris, et de l’autre le camp de la démocratie incarnée par la gauche et le PS. Là encore, cette analyse complexe, élaborée, subtile, laisse augurer d’une parfaite compréhension du sujet « Trump » pour les années à venir.

La réaction nobiliaire jusqu’au bout

Malgré le Brexit, malgré l’élection de Trump, les élites françaises restent donc accrochées contre vents et marées à leur analyse binaire. D’un côté, il y a les gens qu’on peut prendre au sérieux, qu’on reconnaît comme tels et qui méritent d’être écoutés. D’un autre, il y a la passion, la colère, la déraison, qu’on doit fouler au pied.

Un ouvrier au chômage parce que son usine a fermé est sérieux lorsqu’il vote pour un parti ou un homme qui continue à défendre ce qu’on appelle faussement le libre échange. En revanche, s’il vote contre le libre-échange, il devient xénophobe, raciste, etc.

Cette analyse puissante de la réalité est confondante.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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