2017 : année du triplé pour Vladimir Poutine ?

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Par Patrick Edery Publié le 11 octobre 2016 à 5h00
Vladimir Poutine Diplomatie Internationale Russie

Et si 2017 se trouvait être l’année du président russe ? Il est fort à parier que le maître du Kremlin réussisse en Syrie là où les Occidentaux ont failli.

Il ne devrait également pas rencontrer de grande opposition en Europe, où les deux leaders européens (Allemagne et France) seront accaparés par leurs échéances électorales. L’élection de M. Trump permettrait également une remise en cause de la doctrine américaine en Ukraine et dans les pays baltes, ouvrant un boulevard au président russe. Dans ce contexte plus qu’opportun, M. Poutine justifierait une fois de plus son titre d’« homme le plus puissant du monde », décerné depuis plusieurs années par le magazine Forbes.

Comment expliquer ce titre ? Le successeur de Boris Eltsine est certes à la tête du plus grand pays du monde mais seulement en superficie, il n’est ni le plus riche (15ème puissance économique mondiale, derrière le Mexique), ni le plus peuplé (9ème derrière le Bangladesh). L’atout de M. Poutine ? La durée et ce que lui autorise cette dernière: une vision et une action sur le long terme. On dit souvent du président russe qu’il a toujours un coup d’avance. Paradoxalement, il est extrêmement prévisible, car il applique toujours le même schéma, notamment dans la gestion de ses relations avec l’Occident. Il lui tend dans un premier temps la main, en proposant un partenariat équitable afin de mettre en place une action conjuguée entre puissances. Les Occidentaux, croyant y déceler un signe de faiblesse et aveuglés par la doctrine américaine inspirée par M. Brzezinski, consistant à priver la Russie de toute ambition impériale et de la cantonner à une puissance régionale, se moquent de cette main tendue et considèrent cette dernière comme quantité négligeable. La réponse du Kremlin au mépris occidental est alors invariablement la même, celle d’un potentat oriental qu’on insulte : brutale et impitoyable.

Dès lors, l’action russe n’a de cesse à nous amener à mettre le doigt dans un engrenage dont le plan millimétré a été prémédité de longue date. Il se concrétise par une escalade des tensions qui doit mener à une situation tellement enkystée qu’il est inimaginable de la résoudre sans la Russie. Ne prenons que l’exemple ukrainien : la Russie, alors concentrée sur la réalisation des JO de Sotchi qui devait être une démonstration de puissance, lâche du lest dans plusieurs dossiers, notamment l’amnistie pour des prisonniers politiques et la Syrie. C’est au plus fort de cette grande opération de séduction russe que la révolution ukrainienne se déclenche. Du point de vue russe, l’Occident a profité de cette détente pour orchestrer une révolution dans un pays considéré comme le berceau historique de la Russie. La décision de promulguer l’ukrainien comme seule langue officielle achève la division du pays entre révolutionnaires et russophones. Surtout elle permet à la Russie d’intervenir ouvertement sous le prétexte de protéger la minorité russe (17%) d’Ukraine. S’en suit alors une mécanique bien huilée : recrutement de personnalités, organisation de manifestations pro-russes, soutien aux populations russophones, assauts de bâtiments publics avant de mettre en place des moyens militaires à la manière du déploiement organisé en Crimée. Ce même schéma tactique semble prêt à être actionné dans les pays baltes.

En effet, depuis quelques années, Moscou y a placé ses pions entrainant une inquiétude de plus en plus vive de la part des riverains de la Baltique, inquiétude que nous qualifions à l’Ouest de paranoïaque. Mais on ne peut que constater que la Russie s’est mise en capacité d’actionner des conflits dans les États baltes. En effet, il existe un faisceau de présomptions nous amenant à craindre une déstabilisation de cette zone : multiplication des violations de l’espace aérien des États baltes, testant ainsi leurs capacités d’interceptions ; mobilisations de soldats aux frontières ; enlèvement et détention d’un membre des services de contre-espionnage ; espionnage des dirigeants comme la tentative de mise sur écoute de la présidente lituanienne ; des cyberattaques sur les institutions ; plaintes de Stockholm et Vilnius au vu du nombre sans précédent d’agents et espions à la solde des russes présents sur leur territoire. L’autre source d’inquiétude des pays baltes sont les déclarations à répétition du président russe, faisant de la protection des minorités russophones où qu’elles soient dans le monde, un impératif pour Moscou.

A l’instar de l’Ukraine, ces pays comptent de fortes minorités russophones (9% en Lituanie, 26 % en Estonie et 29% en Lettonie). La manipulation de ces populations permettrait des révoltes, notamment en dénonçant les mesures dites « antirusses » des pays baltes, à l’exemple de celles prises en Lettonie, où toute autre langue que le letton est désormais qualifiée d’étrangère. En cas de révoltes des minorités russes dans un des pays baltes l’OTAN serait impuissante face à des civils. Ce n’est d’ailleurs pas la possible élection de M. Trump qui viendra l’en empêcher, bien au contraire. En déclarant vouloir moins s’investir dans l’OTAN et n’être pas prêt à protéger les petits pays de l’OTAN comme l’Estonie contre la Russie, le potentiel futur président des États-Unis semble donner son feu vert à Vladimir Poutine. Signe qui ne trompe pas, la Suède a décidé de remilitariser l’île du Gotland (abandonnée à la fin de la guerre froide et faisant face aux États baltes) et met en place un accord avec l’OTAN sur le déploiement d’un contingent militaire sur son territoire.

La possibilité de mener des actions de déstabilisation dans les États baltes n’est pas le seul atout de M. Poutine. Il détient aussi les clefs de la résolution du conflit syrien et, en se rapprochant de la Turquie, peut par ricochets influer sur les flux de réfugiés vers l’Europe. Surtout, il sera en capacité de bénéficier de l’affaiblissement de l’UE, qui après le Brexit, devra également souffrir d’un déficit de leadership dû aux élections nationales en France et en Allemagne en 2017. L’année prochaine, le dirigeant russe sera donc en position de force pour renégocier les dossiers syriens, ukrainiens, et surtout la levée des sanctions économiques de l’UE sur son pays. Un triplé, semble donc à portée de main. Le président russe pourrait même bénéficier d’une circonstance encore plus favorable : l’élection de M. Trump, qui, outre sa déclaration sur l’Estonie, a déjà laissé entendre qu’il transigerait sur la Crimée (annexée par la Russie).

La situation est d’autant plus préoccupante, que le véritable enjeu pour M. Poutine est d’ordre intérieur : il doit réussir à lever les sanctions économiques à l’encontre de son État afin de pouvoir redresser son économie, et ce avant les élections présidentielles russes de 2018. A défaut, il devra lancer à nouveau son schéma de jeu habituel afin de démontrer au peuple russe qu’il est le seul rempart face au complot ourdi par l’Occident essayant encore une fois d’humilier la Russie. Il existe donc un réel risque d’escalade si les Occidentaux n’accèdent pas aux demandes de M. Poutine. Ce dernier pourrait n’avoir d’autre choix, afin d’assurer la pérennité de son pouvoir, que de jouer la carte de la déstabilisation des pays baltes voire d’une intervention plus directe, comme en Ukraine, en cas d’élection de M. Trump. Dans les deux cas la stabilité de l’U.E., dans son état de fragilité actuel, serait en danger. Certes pour la très grande majorité des experts, la Russie n’a plus les moyens militaires et économiques d’imposer une nouvelle guerre froide, mais une paix chaude certainement. A ce titre 2017 risque d’être caniculaire.

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Patrick Edery est le PDG de Partenaire Europe, cabinet de conseil en développement qui accompagne les dirigeants d’entreprises de leur réflexion stratégique à l’implantation en Europe de leurs entreprises.

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