Traité transatlantique : nous somme trahis

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Par Philippe David Publié le 27 mai 2015 à 10h08
Tafta Accord Europe Etats Unis

"Nous sommes trahis…" tels furent, si on en croit les historiens, les mots que prononça Napoléon en se retirant à Waterloo il y aura deux cent ans le 18 juin prochain.

Oui l’Empereur, ses fidèles et la France avaient été trahis par Grouchy qui fît reposer ses 35000 hommes et ses 110 pièces d’artillerie plutôt que de les amener sur le champ de bataille où ils auraient taillé en pièces les troupes de Wellington et de Blücher. Cette défaite marqua la fin d’une certaine idée de la France. Elle sonna aussi le glas des espoirs d’unifier l’Europe continentale, ce qui aurait évité un siècle plus tard d’être au cœur de la boucherie qui allait marquer le début du suicide de l’Europe…

L'Europe trahit les Européens avec le TAFTA

Deux siècles plus tard nous sommes encore trahis. Mais cette fois-ci ce n’est pas que la France mais toute l’Europe et tous les européens qui sont trahis par un quarteron de technocrates bruxellois vendus aux multinationales qui savent de quelle manière leur exprimer leur reconnaissance. En effet c’est « The Guardian », le quotidien britannique de tendance social-libérale, qui dans son édition de vendredi dernier nous a appris que les négociateurs européens du fameux TAFTA, le traité transatlantique de libre-échange négocié en toute discrétion dans le dos des citoyens, avaient accepté sous la pression des négociateurs américains de renoncer à interdire trente et un pesticides connus pour être cancérogènes ou pour porter atteinte à la fertilité masculine. Ce scandale a deux ans et ne sort qu’aujourd’hui, ce qui explique pourquoi ce traité se trame dans le plus grand secret, mais voici les faits relatés par « The Guardian » qui se base sur les minutes des deux réunions où tout a été décidé.

Les technocrates ne défendent pas les Européens

Le 26 juin 2013, une délégation de haut niveau de la Chambre de Commerce Américaine (AmCham) a visité les négociateurs de l’Union Européenne pour insister afin que le bloc (USA-UE) annule les critères prévus pour identifier les perturbateurs endocriniens au profit d’une nouvelle étude d’impact. Le 2 juillet 2013, des officiels de la mission américaine en Europe ont visité le siège de l’UE pour appuyer leurs demandes. Un peu plus tard le même jour, la Secrétaire général de la commission, Catherine Day, envoyait une lettre au Directeur du service de l’environnement, Karl Falkenberg, lui demandant de retirer les critères prévus dans le projet initial.

Inutile de dire qu’en termes de réactivité Catherine Day a agi à la vitesse de la lumière pour faire son courrier le jour même. Il est vrai que les cancers, la baisse de la fertilité masculine ni les perturbateurs endocriniens ne sont des problèmes majeurs de santé publique. D’ailleurs les technocrates bruxellois font tout ce qu’ils peuvent pour défendre la santé des européens puisqu’ils vont certainement interdire la fabrication de lustres en cristal au prétexte que le cristal contient du plomb qui est un métal polluant. Pourtant dans le cristal, le plomb est enfermé à l’intérieur du verre sous forme de poudre et les luminaires qui risquent d’être interdits de fabrication coûtant une fortune (au moins 1000 euros une simple applique, jusqu’à 300000 euros pour un lustre), on imagine mal les propriétaires jeter ceux-ci dans la nature.

Une Europe vendue aux Américains

Cette mesure passée elle-aussi inaperçue menace 7000 emplois directs en France, notamment en Alsace et en Lorraine. Ce souci de fermer les yeux sur des produits hautement toxiques tout en étant intraitable sur des produits dont la dangerosité n’est en rien prouvée s’explique simplement par le fait que les cristalleries françaises n’ont pas les moyens, contrairement aux fabricants de pesticides américains, d’acheter les négociateurs américains et européens par le biais de leurs lobbyistes. En voyant de tels scandales on comprend mieux pourquoi tant de gens haïssent cette Europe vendue aux américains, aux multinationales, à la finance et si méprisante des citoyens, de leur santé, de leurs conditions de vie, de leur avenir.

Deux siècles plus tard, nous sommes bel et bien encore trahis. Merci les politiques, merci l’Europe !

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Philippe David, 46 ans, est cadre dirigeant à l'international, auteur de plusieurs livres politiques dont le dernier, « De la rupture aux impostures », est sorti en 2012 aux éditions du Banc d'Arguin.Il est également chroniqueur sur Sud Radio.

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