En pleine session parlementaire consacrée à la lutte contre la fraude sociale, le député Antoine Vermorel-Marques (Droite Républicaine, Loire) a présenté mardi 25 mars une proposition de loi visant à sanctionner plus sévèrement les fraudes à l’arrêt de maladie. Avec pour objectif déclaré de « restaurer la confiance dans le travail », le texte entend faciliter les licenciements dans les cas avérés de fraude, alors que les chiffres explosent. Dans un contexte où les arrêts maladie frauduleux ont coûté quarante-deux millions d’euros en 2024 selon la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), la droite entend frapper fort.
Faux arrêts maladie : la droite veut que les patrons puissent frapper vite et fort

La recrudescence des fraudes aux arrêts de maladie : un signal d’alarme politique
Les arrêts maladie dissimulent désormais bien mal une fracture plus vaste du système. En 2024, les fraudes aux indemnités journalières ont bondi de manière spectaculaire : 42 millions d’euros détournés, contre 17 millions en 2023, selon les chiffres communiqués par la CNAM. Une progression à laquelle le député Antoine Vermorel-Marques souhaite remédier, nourrie selon lui par une facilité d’accès aux faux documents sur Internet.
C’est d’ailleurs un patron d’entreprise qui aurait tiré la sonnette d’alarme, après avoir découvert des sites vendant de faux arrêts pour une vingtaine d’euros. Et le député d’avouer dans les colonnes du Parisien avoir lui-même testé le système : « J’ai obtenu un faux arrêt maladie de 24 heures sans difficulté ». La vidéo virale d’une skieuse ironisant sur son arrêt de travail a fait le reste : “Tu vas faire quoi la CPAM, le contrôle du travail ? J’m’en fous !”, s’exclame-t-elle. Le ton est donné.
Une proposition pour automatiser les licenciements en cas de fraude aux arrêts maladie
Face à cette situation, la proposition de loi portée par Antoine Vermorel-Marques – cosignée par le député Fabien Di Filippo et le groupe Droite Républicaine – vise à instaurer un mécanisme automatique d’information des employeurs. Concrètement, l’Assurance maladie serait tenue de signaler aux entreprises tout salarié reconnu coupable de fraude, avec les preuves à l’appui. Le député justifie ainsi sa démarche : « Ces pratiques, qui permettent d’obtenir un arrêt maladie en quelques clics, sont non seulement illégales, mais nuisent à l’intégrité de notre système de santé ».
Dans le document législatif auquel Le Parisien a eu accès, le ton est encore plus tranché : « La prolifération de ces faux documents compromet la stabilité de notre système de protection sociale ainsi que notre pacte social. Ces escroqueries sapent les fondements de notre solidarité et créent une rupture d’égalité entre les travailleurs et les profiteurs. » En filigrane, un changement de paradigme : faire du salarié fautif non plus un fraudeur isolé, mais un préjudice collectif.
Une ouverture gouvernementale prudente, mais réelle
Le 25 mars 2025 au soir, lors d’un débat organisé à la demande du groupe Les Républicains, le gouvernement a pris position. La ministre déléguée à la Santé, Charlotte Parmentier-Lecocq, a reconnu la gravité du phénomène : « Vous soulignez un problème très grave et croissant », a-t-elle déclaré devant les députés. Affirmant que 1 600 agents supplémentaires ont été affectés à la lutte contre la fraude aux arrêts maladie à la CNAM, elle a aussi rappelé que des formulaires Cerfa sécurisés deviendront obligatoires dès juillet 2025. Mais surtout, elle a indiqué être « évidemment favorable sur le principe » à la proposition de loi. Une déclaration qui, bien que prudente, pourrait ouvrir la voie à un soutien majoritaire.
Derrière cette initiative se cache une tension beaucoup plus large : celle entre sécurité sociale et sanction judiciaire, entre présomption d’honnêteté et tentation de contrôle. Que se passera-t-il si une entreprise licencie un salarié sur la base d’une simple communication de l’Assurance maladie, sans procédure contradictoire ? L’arsenal disciplinaire actuel prévoit déjà des sanctions pénales, financières ou administratives. Mais leur mise en œuvre est jugée « complexe », justifie le député. La proposition soulève aussi une question de confidentialité des données médicales. La communication automatique d’une fraude à l’employeur, même avérée, pourrait contrevenir au secret médical, sauf si un cadre légal extrêmement précis l’encadre.
Le marché noir des arrêts de travail : une réalité numérique inquiétante
Cette réforme intervient alors que se développe, en parallèle, un véritable commerce en ligne des faux arrêts de travail. Telegram, Snapchat, TikTok : les réseaux sociaux pullulent d’offres illégales à des prix défiant toute concurrence. Le Parisien rappelle qu’un arrêt peut s’acheter pour vingt euros, livrable en moins d’une heure. Face à cette menace numérique, la CNAM semble débordée. Le Cerfa sécurisé, solution évoquée par le ministère, sera-t-il suffisant ?
Plus qu’un simple encadrement administratif, la droite engage un bras de fer sur le thème du mérite et du travail. « La lutte contre la fraude sociale fait partie du combat pour la défense du travail que mène la droite », martèle Antoine Vermorel-Marques. À travers cette offensive, c’est une vision libérale de la responsabilité individuelle qui s’affiche, en opposition aux présupposés universalistes de l’État social. Le texte n’est pas encore débattu en commission, mais les premières lignes sont claires. La droite entend bien faire de cette question un marqueur politique, à l’heure où l’opinion publique montre une tolérance de plus en plus faible pour les abus sociaux perçus.