Réforme du SNU : allons-nous assister au retour du service militaire obligatoire ?

Le Haut-commissariat au Plan a soumis plusieurs scénarios de réforme du service national universel (SNU). Derrière la variété des modèles proposés, un même enjeu : repositionner l’engagement des jeunes au cœur d’un projet républicain à la fois éducatif, social et stratégique.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 5 mai 2025 9h17
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Le 5 mai 2025, une note conjointe du Haut-commissariat au Plan et de France Stratégie a été remise à l’exécutif, à la demande du président de la République. Le document explore plusieurs voies d’évolution pour le Service national universel (SNU), allant du simple élargissement du dispositif actuel à une transformation radicale vers un service militaire obligatoire. Alors que le gouvernement semble toujours chercher une formule politiquement et financièrement viable, les propositions formalisées dans ce rapport offrent une grille de lecture utile pour évaluer les arbitrages à venir.

Une montée en puissance progressive envisagée

Le SNU tel qu’il existe depuis sa création en 2019 repose sur deux piliers : un séjour de cohésion de douze jours, organisé dans un département différent de celui de résidence, et une mission d’intérêt général facultative. Ouvert aux 15–17 ans, le dispositif se veut civique, apolitique, et universel dans sa vocation, bien qu’il reste strictement volontaire à ce jour.

Parmi les pistes proposées, le scénario jugé le plus réaliste à court terme est celui d’un "SNU renforcé", ou "vitaminé". Il s’agirait de multiplier par cinq le nombre de participants annuels pour atteindre 200 000 jeunes, avec un coût évalué à environ 600 millions d’euros. Cette version, bien que ambitieuse, reste compatible avec l’architecture actuelle du dispositif et ne supposerait ni obligation généralisée ni encadrement militaire étendu.

D’autres hypothèses modifient plus fondamentalement la nature du SNU. Deux scénarios hybrides combinent une phase de cohésion initiale de douze jours pour l’ensemble d’une classe d’âge, suivie d’un engagement civique obligatoire de cinq mois, avec une possibilité de module militaire volontaire ou optionnel de trois mois. Ces formules impliqueraient des effectifs allant jusqu’à 600 000 jeunes par an, pour un coût de l’ordre de cinq milliards d’euros.

Enfin, la proposition la plus lourde sur le plan budgétaire, et la plus controversée sur le plan politique, consiste en une restauration du service militaire obligatoire, pour une durée de six mois. Un tel dispositif, mobilisant entre 300 000 et 600 000 jeunes, impliquerait un budget annuel estimé à près de 15 milliards d’euros.

L’enjeu éducatif : valorisation scolaire et reconnaissance institutionnelle

Le rapport ne se limite pas à des hypothèses budgétaires. Il dessine également un cadre d’intégration du SNU dans les parcours éducatifs. Il est notamment proposé que la participation au service soit reconnue dans les cursus scolaires et universitaires, mais aussi prise en compte dans la progression de carrière dans la fonction publique. Des pistes sont également évoquées pour valoriser cette expérience dans le calcul des droits à la retraite.

Le ministère de l’Éducation nationale serait appelé à jouer un rôle actif dans la promotion du dispositif, par le biais des établissements scolaires, mais aussi via une coordination accrue avec les rectorats, notamment dans l’affectation et le suivi des participants. Ce rôle renforcé viserait à ancrer le SNU dans une logique de politique publique éducative et non plus uniquement comme une initiative civique périphérique.

Un contexte stratégique marqué par l’instabilité géopolitique

La publication de ce rapport intervient dans un environnement géopolitique instable. La prolongation de la guerre en Ukraine, les tensions persistantes aux frontières orientales de l’Union européenne, et les appels de plusieurs partenaires européens à une mobilisation accrue des sociétés civiles autour des enjeux de défense nourrissent le débat.

La réflexion sur le SNU s’inscrit donc dans une dynamique plus large de résilience stratégique. Emmanuel Macron avait explicitement demandé au HCP de réfléchir à de nouvelles modalités de participation citoyenne susceptibles de répondre aux impératifs de sécurité nationale, sans toutefois préciser de préférence entre les scénarios envisagés.

Dans cette perspective, les dispositifs proposés s’inspirent pour certains d’initiatives déjà mises en œuvre à l’étranger, notamment en Allemagne, en Estonie ou en Suède, où des formes variées de service national combinent volontariat, engagement civil et mission de défense.

Des arbitrages budgétaires encore incertains

Le déploiement de l’un ou l’autre de ces scénarios dépendra en grande partie des arbitrages budgétaires à venir. Le projet de loi de finances pour 2025, adopté en février, a acté une réduction des crédits alloués au SNU, en contradiction apparente avec la logique de montée en puissance envisagée par le HCP.

À l’inverse, les dépenses militaires sont en hausse constante, conformément à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire. Le renforcement des capacités des forces armées, le soutien à la réserve opérationnelle et l’intensification des campagnes de recrutement s’inscrivent dans une stratégie de défense nationale élargie, au sein de laquelle le rôle du citoyen prend une place croissante.

L’élargissement du SNU, quelle que soit la forme retenue, interroge donc sur sa complémentarité ou sa concurrence avec d’autres formes d’engagement déjà existantes, notamment le service civique ou la journée défense et citoyenneté (JDC).

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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