Malbouffe : faut-il interdire les pubs ciblant les enfants ?

Alors qu’une nouvelle étude européenne établit un lien direct entre l’exposition à la publicité alimentaire et l’augmentation de la consommation calorique chez les enfants, les politiques publiques françaises apparaissent en retrait. La régulation du marketing alimentaire devient un sujet central de santé publique.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 12 mai 2025 15h07
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Le 11 mai 2025, une étude scientifique a été présentée à Malaga, lors du Congrès européen sur l’obésité. Elle démontre qu’une brève exposition à des publicités pour des aliments à forte densité énergétique entraîne une hausse immédiate de la consommation calorique chez les enfants. Alors que certains pays ont adopté des mesures restrictives, ce constat soulève des interrogations sur la réponse des pouvoirs publics français face à une problématique de santé publique désormais bien documentée.

Une donnée claire : cinq minutes de publicité, 130 kilocalories de plus par jour

L’étude, menée au Royaume-Uni sur un échantillon de 240 enfants âgés de 7 à 15 ans, a évalué les effets d’une brève exposition à des contenus publicitaires pour des aliments riches en sucre, en gras ou en sel. Les enfants exposés ont consommé en moyenne 130 kilocalories supplémentaires dans les heures suivant la visualisation. Cette augmentation s’observe aussi bien lors des collations que des repas structurés.

Le protocole, validé par un comité scientifique, repose sur une comparaison entre un groupe exposé à de telles publicités et un autre exposé à des contenus neutres. L’écart calorique, jugé significatif, alerte les professionnels sur la répétition quotidienne de ce phénomène. À long terme, cet excès peut contribuer à une prise de poids durable, notamment chez les enfants dont l’indice de masse corporelle est déjà élevé.

Une tendance confirmée en France : exposition massive à des produits défavorables

En 2020, Santé publique France alertait déjà sur la forte exposition des mineurs à des publicités pour des produits nutritionnellement défavorables. Plus de 50 % des messages publicitaires alimentaires vus par les enfants concernent des produits classés Nutri-Score D ou E. La majorité d’entre eux sont diffusés en soirée, entre 19h et 22h, une plage horaire pourtant très regardée par les publics jeunes.

Les investissements publicitaires dans ce secteur atteignaient 1,1 milliard d’euros nets en 2018, dont près de la moitié pour les catégories les moins favorables sur le plan nutritionnel. Le numérique accentue encore ce phénomène, notamment via les plateformes utilisées par les adolescents, échappant en grande partie à la régulation.

Une régulation contrastée en Europe

Face à ces constats, certains États ont pris des mesures concrètes. Le Royaume-Uni prévoit d’interdire, à compter d’octobre 2025, la diffusion de publicités pour les produits riches en sucre, en sel ou en matières grasses sur les chaînes de télévision entre 5h30 et 21h, ainsi que sur les contenus payants en ligne à toute heure.

En France, la régulation repose pour l’essentiel sur des chartes de bonne conduite, comme celle mise en place par l’Arcom avec les annonceurs. Ces dispositifs, bien que volontaires, ne comportent ni obligation chiffrée, ni mécanisme de sanction. Les restrictions existantes sur les chaînes publiques ne s’appliquent qu’à une très faible part de l’offre audiovisuelle effectivement consommée par les mineurs.

L’absence de régulation forte contraste avec les préconisations internationales. L’Organisation mondiale de la santé plaide, depuis plus d’une décennie, pour l’adoption de profils nutritionnels stricts servant à déterminer quels produits peuvent être promus auprès des enfants. Plusieurs pays européens ont déjà mis en œuvre des législations en ce sens.

Un débat politique relancé : protection de l’enfance ou liberté commerciale ?

La question n’est plus seulement sanitaire. Elle touche directement à la responsabilité de l’État dans la protection des publics les plus vulnérables face aux stratégies commerciales des grandes marques de l’agroalimentaire. Enjeu de régulation, d’équilibre entre santé publique et liberté d’expression commerciale, ce sujet met en tension plusieurs champs de compétence : nutrition, audiovisuel, numérique, consommation, jeunesse.

Certains parlementaires, toutes tendances confondues, ont interrogé le gouvernement sur l’absence de cadre juridique spécifique pour protéger les enfants de ces sollicitations, en particulier sur les canaux numériques. Des propositions de loi ont été déposées ces dernières années, mais elles n’ont jamais franchi le cap de l’examen en commission.

Dans les rangs des professionnels de santé, l’appel est clair : il s’agit désormais d’agir sur les déterminants structurels de l’alimentation, et non uniquement de renforcer les campagnes de sensibilisation.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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