Anticor : renouvellement de son agrément, le gouvernement dit non ! 

La ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a refusé, mercredi 27 décembre 2023, de renouveler l’agrément d’Anticor sans donner de justification sur cette décision.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 28 décembre 2023 à 10h37
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Anti-corruption : l'association Anticor perd son agrément

L'association Anticor, reconnue pour son engagement inébranlable contre les abus de pouvoir et la corruption, se retrouve désormais confrontée à un mur. Le mercredi 27 décembre 2023, une source au ministère des Affaires étrangères a confirmé à l'AFP que l'agrément d'Anticor ne serait pas renouvelé. Cette décision survient malgré l'absence de reproches formels du gouvernement envers l'association. Élise Van Beneden, présidente d'Anticor, a vivement réagi auprès de nos confrèrs de France Info en déclarant : « cette décision ne nous surprend pas malheureusement, car nous sommes bien conscients que nos actions contre la corruption agacent profondément le gouvernement. » Une source diplomatique a, quant à elle, affirmé sur France Inter que « cette décision ne remet aucunement en cause la détermination de la France à lutter contre la corruption ». Pourtant, comme a tenu à le rappeler la présidente de l'association, Élise Van Beneden, c'est justement cet agrément qui permettait à Anticor, depuis 2015, de se porter partie civile dans les affaires de corruption. Pour Vincent Brengarth, avocat d'Anticor, la décision du gouvernement est sans équivoque, elle « torpille la lutte contre la corruption et porte atteinte au devoir d'exemplarité ».

La décision du gouvernement n'est pas totalement surprenante, étant donné les nombreux rebondissements de l'affaire de l'agrément d'Anticor, notamment l'implication de différents membres du gouvernement dans des affaires de ce genre. En avril 2021, un arrêté signé par Jean Castex renouvelait l'agrément pour trois ans. En juin 2023, suite à une demande d'Anticor pour le renouvellement de son agrément, c'est le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, qui s'est trouvé dans une position délicate. Il s'est récusé du dossier en raison d'une plainte d'Anticor le visant, et c'est la première ministre Élisabeth Borne qui a hérité du dossier. Les choses semblaient plutôt favorables à Anticor, puisque la Première ministre estimait que l'association remplissait les conditions d'octroi de l'agrément. Cependant, la Cour administrative d'appel de Paris n'a pas partagé cette opinion et a refusé l'agrément d'Anticor en novembre 2023. L'association avait alors fait une nouvelle demande, et le gouvernement avait jusqu'au 26 décembre 2023 pour se positionner. Finalement, la Première ministre s'est également récusée du dossier, étant impliquée dans deux affaires le 24 décembre 2023. « Nous allons contester cette décision devant la justice administrative et sommes d'une certaine manière soulagés de pouvoir enfin démontrer que l'association remplit bien tous les critères pour être agréée, à l'abri des considérations politiques du gouvernement » a ainsi conclu la présidente d'Anticor, Élise Van Beneden.

Une vague d'indignation et de soutien

La décision a suscité une réaction immédiate et fervente en faveur d'Anticor, tant de la part de la société civile que des personnalités politiques sur les réseaux sociaux et dans les médias. Ugo Bernalicis, député LFI, a déploré sur X (ex-Twitter) que « la France sombre en ne protégeant pas les associations qui agissent contre les délits de probité. » Arthur Delaporte, député socialiste, a pour sa part directement interpellé la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna : « Avez-vous une explication à donner à ce refus de renouvellement d’agrément ? La lutte contre la corruption doit être une priorité et, j’en suis sûr, vous en convenez. Il est donc urgent qu’Anticor puisse poursuivre son travail ! »

Les critiques à l'égard de la décision du gouvernement ont atteint les sommets des institutions françaises. En effet, l'ancien procureur général de la Cour de Cassation a, lui aussi, regretté la décision de Catherine Colonna et plaidé pour une réforme en suggérant que « ce ne soit pas le gouvernement qui statue sur les demandes d’agrément, mais une autorité administrative indépendante ». Il faut dire qu'en l'espace d'une semaine, le gouvernement a montré qu'il avait une vision bien particulière de la démocratie. Entre la saisie du Conseil constitutionnel suite à l'adoption de la loi sur l'immigration, la nomination d'une ministre suspectée de cadeaux illicites, et maintenant le musellement d'une association spécialisée dans la lutte anticorruption, le gouvernement n'apprécie guère les coups de pied dans la fourmilière... Pour Vincent Brengarth, avocat d'Anticor, cette décision se résume en une phrase : « c'est un cadeau de Noël pour les corrupteurs. »

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin depuis septembre 2023.

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