Emmanuel Macron : les réformes ou la chienlit ?

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Par Daniel Rémy Modifié le 15 juillet 2017 à 10h34
Emmanuel Macron Fortune Patrimoine Millions Euros
25,44 %L'abstention s'est établie à 25,44 % à la présidentielle de 2017.

De Jupiter à Kennedy, en passant par Eros et Napoléon, l’emphase et les qualificatifs ampoulés n’en finissent pas de nourrir les colonnes des gazettes, au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron. A ce stade, on ne peut se contenter de faire référence au banal « état de grâce » qui entoure l’arrivée de chaque nouveau locataire de l’Elysée : cela relève quasiment du divin ou, à tout le moins, d’une forme aigüe d’hallucination collective.

Offre d'emploi : Etat en grande difficulté recherche Président (voir profil ci-dessous)

A en croire ces thuriféraires, Emmanuel Macron serait, en quelque sorte, le nouveau messie que les français appellent de leurs vœux, depuis des décennies. Dépités, écoeurés, révoltés de voir, jour après jour, leur situation se dégrader, voilà bien longtemps que ces derniers n’ont cessé d’envoyer régulièrement des messages à la classe politique, de gauche comme de droite, aussi bien à travers leurs votes protestataires qu’en affichant des niveaux d’abstention toujours pus élevés.

Pierre Dac, humoriste génial et voix de « Radio-Londres », en 1943, fut l’un des premiers à brocarder les partis politiques, en 1965, en se présentant à l’élection présidentielle, sous l’étiquette du « MOU » (Mouvement Ondulatoire Unifié), avec pour slogan : « Les temps sont durs, vive le MOU… ».

L’irremplaçable Coluche ne fit pas autre chose que de lui emboîter le pas, en déclarant à son tour sa candidature, le 30 octobre 1980 : crédité de 16 % des voix (contre 18 % pour François Mitterrand), au premier tour, notre comique national provoqua un tel séisme qu’il fut contraint d’abdiquer sous la pression et les menaces du système.

En 2000, alors que Jacques Séguéla, publicitaire et inventeur du slogan « La force tranquille », dressait le portrait du futur candidat à l’Elysée, un Président « moins cynique et un peu plus moral, un peu moins égoïste et un peu plus humoriste, un peu moins financier et un peu plus aventurier, un peu moins technocrate et un peu plus instinctif, et surtout, porteur d’une ambition » (« Vertige des urnes », Flammarion), Yann Moix, écrivain et chroniqueur dans l’émission de Laurent Ruquier (« On n’est pas couché… »), lançait cette offre d’emploi singulière : « Vous avez la cinquantaine ? Du charisme ? De l’allant ? Une bonne tête, et quelques projets encore timides, mais pas bêtes du tout ? Devenez Président de la République française car, pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, une chance est offerte au plus culotté, au plus courageux, au plus frais et au plus rapide. Ce serait idiot de laisser passer ça. Dans un monde où la notoriété s’acquiert en une seule première partie de soirée, sur les plateaux de Nagui, Sébastien et consorts, ce ne devrait pas être trop difficile de se faire connaître des français… ». (Figaro Magazine, 2.02.2000)

Nous étions alors à la veille des élections présidentielles de 2002 qui vit, pour la première fois, le candidat du Front National (Jean-Marie Le Pen) qualifié pour le deuxième tour, avec un score tout juste inférieur à celui de Jacques Chirac (16,86 % contre 19,88 %) : un premier avertissement, « sans frais ». Il aura donc fallu attendre ce 7 mai 2017 pour que les Français élisent, pour la première fois, un Président « sorti de nulle part » et dont la notoriété a été construite en quelques mois, grâce à la complicité bienveillante de quelques médias sous influence.

Quand médias, instituts de sondage et experts du marketing écrivent dans le marbre le scénario de l'élection

Si l’exaspération des Français est incontestablement à l’origine de ce cataclysme hautement prévisible, force est de reconnaître que cette élection est très largement dûe à un taux d’abstention record (25,44 %) et à un nombre de votes blancs et nuls jamais égalé (4,2 millions), le candidat de la Droite, François Fillon, ayant été fort opportunément « abattu en plein vol » par un méchant « pétard mouillé » tiré par le Canard Enchaîné.

À partir de cet instant, l’issue du duel opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen ne faisait plus le moindre doute. Reste à savoir si le nouveau locataire de l’Elysée, ex-inspecteur des finances façonné par Sciences Po et l’ENA, saura répondre aux attentes des Français, là où tous ses prédécesseurs ont échoué.

Chacun a parfaitement conscience que, pour que la France se redresse, il n’y a pas d’autre solution que de réduire de manière drastique les dépenses publiques (État, collectivités), à commencer par le coût des emplois improductifs, et de rendre plus compétitives nos entreprises, en allégeant leurs charges et en libérant le travail.

À cet égard, la nomination de Muriel Pénicaud, en qualité de Ministre du Travail, ne laisse pas s’inquiéter. Invitée par Yves Calvi, le 28 juin dernier, sur RTL, à la question, « Ne pensez-vous pas que le problème majeur, pour les entreprises, au-delà du CDI ou du CDD, c’est d’abord le carnet de commandes ? », cette dernière eut cette réponse pour le moins singulière : « Ca, ça n’est pas mon boulot… ».

Muriel Pénicaud, ex-Conseillère pour la formation au Cabinet de Martine Aubry (1991-1993), passée à la Direction des Ressources Humaines de Danone, avant d’être nommée, en mai 2014, ambassadrice au sein de l’AFII (Agence Française pour les Investissements Internationaux),devenue Business-France, n’aurait-elle rien appris des difficultés majeures rencontrées par nos entreprises dans la compétition économique mondiale ?... N’aurait-elle rien retenu non plus de son dernier voyage à Las Vegas, en janvier 2016, en compagnie du Ministre de l’Économie de l’époque et futur candidat à la Présidence de la République ?

Emmanuel Macron, ultime chance pour la France ou imposture?

Autrement plus inquiétante encore est l’omniprésence, au gouvernement, d’une caste de hauts-fonctionnaires et de technocrates, tous sortis des mêmes moules (ENA-Sciences Po), véritables « gardiens du temple », faux mollahs et vrais talibans, qui ont confisqué la République pour leur seul profit. (« La France des talibans : République cherche repreneur… » - mars 2002, Daniel Rémy).

Pierre-Joseph Proudhon, théoricien socialiste et « père de l’anarchisme » (« La propriété, c’est le vol !...), enseigné à Sciences Po et à l’ENA, l’avait parfaitement compris, lui qui déclarait : « Fonctionnaires, souvenez-vous que l’argent dont vous vivez est fiscal… ». Manifestement, cette leçon-là, elle, a été bien retenue.

Nos pseudo-élites seraient bien inspirées de méditer cette déclaration de Louis XVI : « Il y a quatre droits naturels que le prince est obligé de conserver à chacun de ses sujets ; ils ne les tiennent que de Dieu et ils sont antérieurs à toute loi politique et civile : la vie, l’honneur, la liberté et la propriété… ».

Reste à espérer qu’Emmanuel Macron ne connaisse pas un destin aussi funeste et qu’il soit bel et bien le nouveau libérateur, qu’après De Gaulle, les Français appellent de leurs vœux, élections après élections.

Dans le cas contraire, une nouvelle révolution est à craindre.

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Spécialiste des questions de sécurité et de renseignement, depuis 1976. Issu du secteur privé, Daniel Rémy apporte principalement son expertise et son expérience aux entreprises confrontées à des risques et à des menaces très diverses, en France comme à l'étranger (terrorisme, kidnapping, racket, fraude, espionnage industriel et commercial, tentatives de déstabilisation…). Il est l'auteur, entre autres, de « Qui veut tuer la France ? La stratégie américaine… » (2007), « La France des talibans : République cherche repreneur… » (2002), « Pour l’humour du risque » (2011) et « Terrorisme et sécurité : ils nous prennent pour des cons… » (2016).

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