La France en pleine fracture sociale

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Par Jean-Louis Caccomo Modifié le 31 mars 2015 à 10h19
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Nous récoltons aujourd’hui la facture de trente années de démagogie collectiviste, sur fond de faillite institutionnelle et de déclin économique : c’est la facture sociale.

La faillite institutionnelle de la France

Faillite institutionnelle, car l’opposition ne joue plus son rôle d’opposant mais empêche le gouvernement de gouverner, en utilisant des méthodes dignes de la subversion, au mépris des règles civiques élémentaires. Faillite institutionnelle, car les chambres n’assurent plus leur rôle législatif, se contentant d’enregistrer les décisions, prises au coup par coup par un président, en dehors de tout programme de gouvernement clairement défini. Faillite institutionnelle, enfin, parce que les syndicats, au lieu de gérer la relation nécessaire de complémentarité entre salariés et employeurs, dans un souci de développement harmonieux des entreprises, prennent en otage le secteur public et la rue pour faire tomber des gouvernements démocratiquement élus.

Depuis quand des étudiants, qui n’ont pas encore un travail, auraient-ils acquis le droit de grève ? Des années d’endoctrinement, sur fond de destruction de la science économique ont conduit une génération à ne plus rien comprendre au monde qui l’entoure. C’est encore plus flagrant dans les lycées, où l’enseignement de l’économie est le monopole de non-économistes plus soucieux de faire le procès d’un capitalisme, dont ils n’ont toujours pas compris le fonctionnement, que de préparer nos enfants à s’intégrer dans le monde réel de l’économie ouverte et dynamique.

On infantilise les masses

En plus de contribuer à infantiliser les masses qui se complaisent dans des postures revendicatives, le discours manichéen qui paralyse notre pays, en compromettant ses maigres chances de modernisation, occulte un clivage plus fondamental, qui dépasse la simple opposition entre la droite et la gauche, et qui rend la recherche d’une « troisième voie » bien illusoire :

Soit l’on considère que l’individu est responsable de son sort et que la société doit donner la plus grande liberté pour laisser les individus exprimer leurs choix. Dans cette perspective, la société se dote d’une Constitution qui fixe des limites au pouvoir de ceux qui exercent le pouvoir, assurant par là même la plus grande part à la respiration de la société civile.

Soit l’on considère que l’individu ne maîtrise rien et que chacun de nous est victime d’entités collectives supérieures (la société, l’entreprise ou le marché, le « système » ou la « mondialisation »), alors, l’Etat doit intervenir pour corriger toutes les situations personnelles.

Deux conceptions de l'Etat

De ces deux visions du fait social découlent deux conceptions antinomiques de l’Etat : d’un côté, un état « subsidiaire » (1) qui supplée aux défaillances constatées aux niveaux qui lui sont naturellement inférieurs (régions, communes, familles, individus) ; de l’autre côté, un Etat « Providence » (pour ne pas dire un Etat-nounou - en hommage au dernier ouvrage de Mathieu Laine -) qui assiste les individus dans toutes les dimensions de leur vie sociale et privée, au risque d’évincer tous les niveaux qui lui sont inférieurs, pour finir par évincer l’individu lui-même.

Entre ces deux conceptions radicalement opposées, il ne peut y avoir de solution intermédiaire, sauf à récolter blocages, corruption et confusion des genres, qui sont les conséquences inéluctables de l’économie (mal) administrée. Pourtant, dans la France d’aujourd’hui, s’interroger sur la taille « optimale » de l’Etat et les frontières naturelles de ses compétences est perçu comme une attaque ultra-libérale ! Le libéralisme est lui-même considéré comme une idéologie au service du grand capital.

La montée de l'extrêmisme

Prenons garde au retour de boomerang. La critique anticapitaliste systématique a toujours été le plus sûr terreau de l’extrémisme. A tous ceux qui se complaisent dans une critique sans nuance du libéralisme, il faut rappeler que les plus farouches ennemis du libéralisme furent les fascistes, et leur seul mérite fut sans doute d’avoir mesuré toutes les implications de la philosophie libérale : « Le principe essentiel de la doctrine fasciste est la conception de l’Etat, de son essence, de son rôle, de ses fins. Pour le fascisme, l’Etat est l’absolu devant lequel les individus et les groupes ne sont que le relatif… Tout dans l’Etat, rien contre l’Etat, rien en dehors de l’Etat… Le libéralisme niait l’Etat dans l’intérêt de l’individu, le fascisme réaffirme l’Etat comme la véritable réalité de l’individu » (2).

Que ce soit l’Etat, pour les uns, le Parti unique, pour les autres, ils me font toujours éprouver une grande angoisse, ceux qui considèrent l’existence des individus comme une donnée relative.

Article publié initialement sur le site Aubagne-le-cours

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Jean-Louis Caccomo est docteur en sciences économiques de l'université de la Méditerranée Maître de conférences - HDR à l'IAE de l'université de Perpignan Via-Domitia. Il est également spécialiste des questions d'innovation et de croissance économique ainsi que chercheur en tourisme international et chroniqueur économique.Il anime enfin, depuis 10 ans, un blog à vocation pédagogique à l'attention de ses étudiants et du grand public.

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