Découvrez le livre de Jean-Marc Borello et Jean-Guy Henckel, en librairie depuis le 5 février (Éditions du Cherche midi). Les deux auteurs, figures incontournables de l'entrepreneuriat social, y partagent leur vision d'un autre monde, plus solidaire.
La raison pour laquelle nous devons mettre la solidarité au fondement de la lutte sociale contre les exclusions, c’est que nous n’avons pas le choix ! À partir du moment où nous devons vivre ensemble, nous ne pouvons pas tolérer une organisation sociale qui laisse se développer en son sein des poches de pauvreté, de précarité et de marginalisation. Je trouve révoltante cette caricature du vivre-ensemble qui entend juxtaposer des ghettos de riches et des ghettos de pauvres, comme nous pouvons le constater dans un certain nombre de pays, notamment en Amérique latine.
Lorsque l’on se promène dans les quartiers chics des villes brésiliennes, on aperçoit des clôtures ou des fils barbelés entourant des immeubles luxueux, avec des gardiens en armes. Et, à quelques kilomètres seulement de là, des milliers de personnes survivent dans des favelas. Je me souviens avoir été choqué, lors d’un voyage aux États-Unis, quand j’ai vu de mes yeux, à Miami, des îles privées pour riches. Quand il y avait des émeutes, on levait les ponts... J’ai constaté la même dualité sociale, économique et spatiale en Inde. Dans les ghettos des nantis les personnes meurent parce qu’elles consomment une nourriture trop riche et dans les ghettos insalubres parce qu’elles sont mal nourries.
Cette organisation sociale inégalitaire ne fonctionne pas ! Je comprends qu’il y ait des écarts entre les revenus, entre les salaires, mais ce qui n’est pas tolérable, c’est le processus par lequel les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. J’ai constaté des évolutions dans la prise de conscience par la société du problème de l’exclusion. À une certaine époque, les exclus étaient confinés, invisibles, et cela n’impliquait que les couches les plus populaires.
Aujourd’hui, et tous les craint d’être touché par ce fléau ; et les gens ont d’ailleurs parfaitement raison. Près de la moitié de la population s’estime menacée, y compris dans les classes moyennes. Ce ne sont plus uniquement les marginaux sociaux qui sont victimes de l’exclusion ; il suffit d’un accident, que ce soit la perte d’un emploi, d’un logement ou un éclatement familial, et c’est le basculement. Par ailleurs, lorsque l’on a tout juste de quoi vivre, un changement négatif de la situation, même mineur, peut vous faire plonger dans la spirale de l’exclusion.