Municipales à Brest : François Cuillandre, un pari perdu d’avance ?

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Par Etienne Dhuit Modifié le 17 janvier 2020 à 9h47
Port 1581595 1920

OPINION

Cerné par les affaires, le maire de Brest compte tout de même se présenter à sa propre succession. Un parcours du combattant encore compliqué par sa proximité avec Jean-Pierre Denis, le patron de la banque bretonne Arkéa à la sulfureuse réputation.

Un maire inquiété par la justice et candidat à sa propre succession : non, il ne s’agit pas de Patrick Balkany, mais de François Cuillandre, le premier édile de Brest. Après avoir été entendu pendant plusieurs heures par un juge d’instruction, le maire (PS) de la capitale finistérienne a été mis en examen à la fin du mois d’octobre dans le cadre d’une affaire de versement d’indemnités aux élus socialistes de sa ville. Une procédure pour détournement de fonds publics, abus de confiance, complicité et recel, ouverte après les révélations du quotidien régional Le Télégramme portant sur la façon dont les indemnités des élus socialistes de la métropole bretonne étaient gérées, via un « pot commun » placé sous l’égide d’une l’association au fonctionnement opaque, « Vivre à Brest ».

Casseroles en pagaille

En dépit de sa mise en examen, dont il a annoncé faire appel, François Cuillandre a, au début du mois de novembre, officiellement « décidé de maintenir (sa) candidature comme tête de liste » lors des prochaines élections municipales, qui se tiendront en mars 2020. L’élu, qui a lors d’une conférence de presse concédé « un manque de vigilance », estime en effet que les Brestois « n’ont pas été lésés » et qu’être mis en examen « ne signifie pas une condamnation ». Il a par ailleurs tenu à assurer que sa « motivation est intacte » et qu’il « souhaite conserver la ville à gauche » du spectre politique.

Y parviendra-t-il ? Rien n’est moins sûr, tant les affaires semblent le cerner. François Cuillandre est en effet au cœur d’un autre scandale financier, révélé cette fois par l’hebdomadaire Marianne en juillet 2016. L’élu est, dans ce cas, soupçonné de favoritisme au profit d’une agence de communication, Rivacom, en charge en 2008 et 2012 de l’organisation des « Fêtes maritimes internationales de Brest », un événement rassemblant, tous les quatre ans dans la rade, plusieurs centaines de vieux gréements. En 2016, Rivacom est à nouveau choisie par la mairie pour assurer la médiatisation de la manifestation, pour un montant de 440 000 euros.

Problème, la ville de Brest se passe d’appel d’offres, alors que tout marché dépassant les 25 000 euros est supposé satisfaire à ce type de procédures. Intrigué par ce manque de régularité, le nouveau directeur de « Brest événements nautiques », l’association qui chapeaute l’événement, est brutalement remercié par M. Cuillandre. Et pour cause : la propre fille du maire a travaillé pour Rivacom, entreprise dont le patron, Régis Rassouli, a en retour placé ses proches dans plusieurs structures directement gérées par la métropole. Un mélange des genres qui flirte avec le népotisme et interroge sur la bonne gestion des fonds publics brestois.

Jean-Pierre Denis, l’ami à la sulfureuse réputation

Un autre dossier risque bien de mettre des bâtons dans les roues de François Cuillandre : celui, explosif, de la banque Arkéa. L’établissement, dirigé par Jean-Pierre Denis, un ami du maire de Brest, et dont le siège se situe dans la même ville et emploie quelque 3 000 salariés, bataille en effet depuis plusieurs années pour obtenir son indépendance du Crédit Mutuel. Cuillandre soutient ardemment ce projet, comme en témoigne sa saisine, en 2015, du ministre de l’Economie d’alors, Michel Sapin, appelé par l’édile à se positionner sur une confrontation entre les deux organismes « brutale et hostile » pouvant, selon lui, avoir des conséquences néfastes pour un « centre de décision important pour notre territoire ».

Il n’est pas certain, par ailleurs, que sa proximité avec M. Denis serve les intérêts électoraux de M. Cuillandre. Le patron d’Arkéa traîne en effet derrière lui une réputation sulfureuse : outre le fait de s’accorder des rémunérations dignes de dirigeants du CAC 40 (1,6 million d’euros annuels), Jean-Pierre Denis siège au conseil d’administration du géant français du luxe Kering, inquiété dans une faramineuse affaire d’évasion fiscale qui pourrait, en sa qualité d’administrateur, lui retomber dessus ; ainsi qu’au board du fonds d’investissement Tikehau Capital, où il côtoie un certain François Fillon, lui-même soupçonné d’emploi fictif au profit de son épouse, Pénélope. Denis est également proche du patron de presse Robert Lafont, un magnat de l’édition aux méthodes contestées.

Des risques pour l’emploi local

Les casseroles de Jean-Pierre Denis sont une chose, son projet d’indépendance une autre. Et le moins que l’on puisse dire est que celui-ci est mal parti, ayant reçu des avis négatifs d’à peu près tout ce que le monde bancaire compte d’autorités de supervision : BCE, Banque de France, ACPR, Standard & Poor’s, etc. Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour Arkéa, qui a dû au cours de l’été recapitaliser en urgence sa filiale d’assurance Suravenir, à hauteur de 540 millions d’euros et abandonner son projet de rachat de Socram Banque, dont le groupe breton ne comptait reprendre qu’une partie des salariés. Sans parler des près de soixante-dix fermetures d’agences et points de vente sur le seul territoire breton depuis 2013. Autant de coups durs pour l’emploi local, qui risquent, le jour des municipales, de peser dans l’esprit des futurs électeurs de François Cuillandre...

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Etienne Dhuit est directeur de publication du média en ligne Drapeau Rouge.

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