Outreau : les cons ça ose tout

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Par Philippe David Modifié le 21 mai 2015 à 9h40
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La langue française est ainsi faîte qu’elle comporte des proverbes qui s’adaptent à toutes les situations de la vie ou presque comme : "les plus courtes sont les meilleures" ou "seuls les imbéciles ne se trompent jamais".

La langue française a d’ailleurs toujours eu des auteurs de génie pour faire de bons mots comme Michel Audiard qui disait que « les cons osent tout et que c’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît » ou encore Pierre Desproges et son célèbre : « l’erreur judiciaire est le plus sur allié de la justice d’exception. Combien d’innocents courraient encore s’il n’y avait pas d’erreurs judiciaires ? »

Outreau : l'énième épisode

Dans le troisième procès Outreau, qui débute aujourd’hui à Rennes, il n’y a pas pléthore de prévenus puisque seul Daniel Legrand se trouvera à la barre. Il est loin le temps des procès de Saint Omer puis de l’appel à Paris où il y avait dix-sept prévenus dans le premier cas et six dans le second. Sur les treize personnes ayant toujours clamé leur innocence, sept furent acquittées en première instance tandis que six étaient condamnées avant d’être acquittées en appel à Paris.

Les condamnations de six des prévenus à Saint Omer avaient un goût de corporatisme exacerbé. L’instruction du juge Burgaud ayant été un fiasco, il fallait bien trouver quelques coupables pour que le fiasco paraisse moins gros. Après tout, comme dirait le proverbe « seuls les imbéciles ne se trompent jamais ». Et tant pis pour les deux années et demi passées en prison à se faire tabasser par leurs codétenus, les « pointeurs » étant soumis à ce traitement dans l’ensemble des établissements carcéraux de France et de Navarre…

Les faits étant malheureusement têtus, comme disait Lénine, l’évidence de l’innocence des personnes condamnées en première instance apparut en appel et il fallut les acquitter et, logiquement, les indemniser avec l’argent des contribuables, les magistrats étant en France comme les politiques, ni responsables ni coupables.

Daniel Legrand comparaît de nouveau à la barre

Aujourd’hui, suite au lobbying actif d’un syndicat de magistrats et d’une association de défense de l’enfance, Daniel Legrand, pourtant acquitté il y a maintenant dix ans doit repasser par la case « Cour d’Assises » mais des mineurs cette fois puisqu’il fût à l’époque jugé par une Cour d’Assises des majeurs bien que mineur durant une partie des faits qui lui étaient, à tort, reprochés. Ceci explique d’ailleurs cela puisque, seul prévenu dans ce cas, il est donc seul à comparaitre à nouveau devant la justice (et je dois humblement avouer que mettre des guillemets à ce mot me titille les doigts au moment où ils se posent sur les touches du clavier de mon ordinateur…). Trois procès en dix ans pour Daniel Legrand… Inutile de dire que du côté de la magistrature le proverbe disant que « les plus courtes sont les meilleures » ne semble pas avoir cours.

Pour avoir vu il y a quelques jours un documentaire sur Daniel Legrand, j’ai honte que la « justice de mon pays », pour reprendre une antienne souvent entendue, refasse vivre son calvaire à ce jeune homme blessé, meurtri, détruit par ce qu’il a vécu et qu’il continue de vivre. Je n’ose imaginer sa réaction lorsqu’il va se retrouver face au juge Fabrice Burgaud qui, même si cela peut paraître incroyable, sera partie prenante dans ce procès. Faut-il rappeler que ce même Fabrice Burgaud est aujourd’hui magistrat à la Cour de Cassation, ce qui prouve que dans la magistrature on peut avoir été à l’origine d’un désastre judiciaire à l’origine du suicide d’un prévenu et d’une grosse dizaines de vies brisées et obtenir une promotion, état de fait qui laisse pantois les millions de salariés du secteur privé qui auraient été virés manu-militari pour faute lourde s’ils avaient commis une bévue infiniment moins grave et n’ayant eu aucune conséquence aussi dramatique.

La justice entérine son premier fiasco

On peut aujourd’hui craindre que la « justice » se venge, les guillemets s’imposent, en faisant de Daniel Legrand le coupable qui, par magie, démontrera à la France entière plus de dix ans après que parmi les innocentés d’Outreau il y avait bien un coupable et que le fiasco judiciaire n’était donc pas si grave que ça. Quel que soit « X », ce procès ne peut tourner qu’à la tartufferie car soit Daniel Legrand est condamné, et ce sera une vengeance, soit Daniel Legrand est à nouveau innocenté et la France entière se demandera pourquoi on aura fait subir un troisième procès si longtemps après à ce pauvre garçon. Mais dans tous les cas de figure Audiard et Desproges auront eu raison avant l’heure sur le procès qui a commencé hier à Rennes.

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Philippe David, 46 ans, est cadre dirigeant à l'international, auteur de plusieurs livres politiques dont le dernier, « De la rupture aux impostures », est sorti en 2012 aux éditions du Banc d'Arguin.Il est également chroniqueur sur Sud Radio.

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