Plan de relance de 100 milliards : le BTP devra compter dans la bataille de l’emploi

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Par Roger Klein Modifié le 2 mars 2021 à 10h26
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120 000C'est le nombre d'emplois du BTP qui auraient été perdus en 2020 pour cause de pandémie

Avec une enveloppe totale de 100 milliards d’euros d’ici 2022, le Plan de relance annoncé début septembre par le gouvernement est porteur de belles promesses. À commencer par le soutien au marché de l’emploi dans des secteurs essentiels comme le BTP et les travaux publics. Pour l’économie française, c’est un rendez-vous à ne pas rater.

Objectif nº1 du Plan de relance du gouvernement : la création de 160000 emplois dès 2021. Le chiffre a été lancé par le Premier ministre qui veut en priorité « lutter contre le chômage », avec notamment une dotation spéciale de 15 milliards d’euros pour la formation professionnelle des plus jeunes. Si les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent – selon le bon mot d’Henri Queuille, président du Conseil sous la IVe République –, les Français pourront juger sur pièce d’ici un an.

Avec comme triple axe « la transition écologique », « la compétitivité des entreprises » et « la cohésion sociale », plusieurs domaines d’activité sont visés par le plan gouvernemental : l’économie circulaire, la rénovation énergétique, le recyclage, le développement des territoires, la baisse des impôts de production… Un secteur se retrouve à la croisée de tous les chemins : celui de la construction, au sens large, susceptible de drainer des investissements profitant à l’ensemble du pays.

Le BTP et les transports, cibles prioritaires des rallonges budgétaires

Depuis la COP21 à Paris en 2015, la transition écologique a fait un heureux : le secteur du BTP dont l’activité est transversale (bâtiments, infrastructures routières, etc.). Sur les 100 milliards d’euros du Plan de relance, cette fameuse transition représente 30 milliards, dont 7 milliards pour la seule rénovation énergétique et 11 milliards d’euros pour les transports.

Les détails sont connus pour le bâtiment : 4 milliards pour la rénovation des bâtiments publics, 2 milliards pour celle des bâtiments privés avec l’élargissement du dispositif MaPrimeRénov’ accessible à tous les ménages sans condition de revenus à partir du 1er janvier 2021, 500 millions pour les logements sociaux, ou encore 200 millions pour les TPE et le PME. Pour les transports, tout n’a pas encore été clairement détaillé : sur les 11 milliards, 4,7 seront destinés au développement du rail, 1,2 à celui des « mobilités du quotidien » (transports en commun et vélo). Si Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des Transports, a bien annoncé une enveloppe précise d’un milliard d’euros pour la relance du fret ferroviaire, la route semble passer loin derrière : quelque cent millions seront destinés au « verdissement » des réseaux routiers et autoroutiers avec, par exemple, des aides financières pour l’installation de bornes de recharge pour les véhicules électriques.

2020 année noire, 2021 année rebond ?

En 2020, la crise sanitaire aura fait de nombreux dégâts. Les principaux secteurs touchés sont la sidérurgie, l’aéronautique et l’automobile, mais « d’autres secteurs souffrent également, souligne Vincent Moulin-Wright, directeur général de l’organisation professionnelle France Industrie. Ce sont la santé, l’agroalimentaire, la construction, ou encore la chimie. Cette période doit être un moment charnière pendant lequel il est nécessaire de faire des choix cruciaux pour la survie et la transformation de notre économie et de notre pays ». Nous en sommes donc aujourd’hui à l’heure des choix cruciaux, principalement pour relancer l’emploi. Et la construction aura un rôle central à jouer.

Les grands groupes du BTP espèrent pouvoir s’appuyer sur ce plan de relance, au sortir de cette année 2020 cauchemardesque et le plongeon du PIB français (-8,7% selon les projections les plus optimistes). En 2019, le bâtiment avait tiré « le marché d’emploi » vers le haut, avec 25000 créations de postes selon la Fédération française du bâtiment (FFB). Moins réjouissants, les chiffres de 2020 marquent – sans surprise ­– une année noire : toujours selon la FFB, « le bâtiment aura perdu 18% de son activité, en volume sur l’ensemble de l’année 2020. Ce sont donc environ 120000 postes salariés et intérimaires en équivalent-emplois à temps plein qui seront détruits d’ici la fin de l’année ». Tout est donc à refaire.

Malgré ce panorama alarmiste, des observateurs internationaux s’attendent à un rebond du marché français. Selon la division recherche de Bank of America, citée par Les Echos, de grands groupes comme Bouygues, Vinci ou Eiffage pourraient saisir les nouvelles opportunités et jouer leur rôle moteur sur le marché de l’emploi. Les analystes de la banque notent par exemple que « depuis le début de l’année, Bouygues est en retard sur ses concurrents du secteur de la construction » mais « bien positionné pour bénéficier des plans de dépenses d’infrastructures en France, en Amérique du Nord et au Royaume-Uni ». Les mois qui viennent seront décisifs.

Accélération des travaux en cours

Dans le secteur des infrastructures dédiées au transport routier, les opérateurs auraient pu espérer un plan de relance spécifique comme en 2016. L’impact du nouveau plan est donc encore difficile à cerner, sachant que les principaux investissements massifs – déjà engagés sur les autoroutes par exemple – sont du ressort du secteur privé : « Il est encore un peu tôt pour dire précisément quelles pourraient être les composantes autoroutières du plan de relance, souligne Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes qui gère près de la moitié du réseau national. Quoi qu’il en soit, comme pour les bornes électriques, Vinci Autoroutes se tient prêt à déployer des stations hydrogène. Nous nous sommes d’ailleurs associés à l’Agence régionale Energie Climat de la région Occitanie pour répondre à un appel à manifestation d’intérêt pour la conception, la construction et l’exploitation d’une station hydrogène “vert” dans la région toulousaine. » Objectif donc, pour le secteur privé : continuer de développer les projets partout sur le territoire français, et privilégier les créations d’emplois en local.

Lors de la présentation du Plan de relance, le ministre des Finances Bruno Le Maire a justement insisté sur l’urgence, et sur l’importance des relais au niveau local pour que les financements ciblent les grands travaux qui en ont besoin : « On va faire émerger des projets qui aujourd’hui n’ont pas les financements nécessaires et on va leur apporter ces financements pour que les travaux démarrent. C’est le cas à Paris : j’ai reçu Anne Hidalgo qui a un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments de la petite ceinture, ceux qui sont en brique. On ne va pas dire à Mme Hidalgo : “Ecoutez, vous avez déjà votre projet, vous le financez vous-même, on va en trouver un autre”. Le temps qu’on en trouve un autre, la crise sera passée et nous n’aurons pas été efficaces. Je préfère participer au financement de ces projets qui sont existants pour que cela accélère les travaux. » Dans le domaine de la construction au sens large, c’est tout un écosystème d’entreprises qui sera concerné, le gouvernement ne doit pas perdre de temps. Là aussi, les Français jugeront sur pièce.

Attention aux gaspillages du passé

Le volet formation du Plan de relance sera essentiel pour le secteur de la construction, très gourmand en main d’œuvre, qualifiée ou non. En sous-texte à toutes ces bonnes intentions, le gouvernement a une double obligation de résultats : celle de l’inversion de la courbe du chômage bien évidemment, et celle du non-gaspillage de l’argent public comme cela s’est produit par le passé dans la bataille de l’emploi. En 2015-2016, le plan Hollande s’était soldé par un échec, dénoncé à la fois par la droite et par les syndicats. Pour Jean-Claude Mailly, alors secrétaire général de Force ouvrière, « le plan Hollande (ndlr : avec la prime de 2000 euros par emploi), c’était de l’argent gaspillé ». Idem pour d’autres plans qui n’avaient pas atteint leur objectif. En 2018, même la Cour des comptes n’avait pas été tendre avec la tentative gouvernementale de relancer la formation professionnelle, dénonçant des « résultats médiocres ». Cette fois, le gouvernement ne pourra pas se payer le luxe de voir sa politique échouer.

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