Aujourd’hui grâce à des moyens technologiques nouveaux, la souveraineté numérique devient une quasi-démocratie directe, dans la conquête du pouvoir com me dans son exercice. Avec des inconvénients majeurs : la cohésion du corps social peut difficilement résulter de l’émotion et la confiscation de la souveraineté numérique par la diffusion de fausses nouvelles, au profit de l’État, conduit à la dictature.
La notion de représentation permet aux représentants de décider dans l’intérêt général. La représentativité assure aux citoyens la possibilité de défendre leurs intérêts particuliers. Mélanger ces deux notions au sein d’une même assemblée conduit à un blocage.
Quels sont les moyens pour assurer l’adéquation entre représentants et représentés ? Le livre de Jean-Marie Cotteret, « la Selfie-Démocratie » apporte la réponse pertinente d’un spécialiste reconnu.
La justification des deux chambres
Il est illusoire de croire qu’une même institution peut assumer à la fois la représentation du peuple et sa représentativité. Dans une société de plus en plus hétérogène et diversifiée, où la volonté générale est de plus en plus altérée par les médias et internet, il convient de sortir de l’ambiguïté permanente en donnant à chaque institution une fonction cohérente.
Le Parlement devrait donc être structuré en deux Chambres à la place du Sénat et de l’Assemblée nationale actuels : une reposant sur la notion de représentativité pour l’élaboration de la loi, et l’autre sur la représentation pour le vote de la loi. L’harmonisation entre les deux Chambres relèverait, le cas échéant, d’un Conseil de l’intérêt général. L’idée, déjà esquissée par Stuart Mill, est que l’organisme qui élabore les lois ne doit pas être celui qui vote la loi.
La notion de représentation à la Révolution française, puis avec la naissance du parlementarisme, était tout à fait cohérente. La France était essentiellement composée de propriétaires terriens (petits, moyens et gros) et leur représentation au Parlement conciliait parfaitement volonté générale et intérêts particuliers. Techniquement, ceux qui élaboraient les lois savaient de quoi il en retournait, et le vote pouvait s’ensuivre.
L’homogénéité du corps électoral se retrouvait dans le corps parlementaire. L’hétérogénéité du corps électoral a accentué la cassure entre représentation et représentativité ; on ne peut pas avoir une Chambre choisie en fonction de l’intérêt général et obligée, en même temps, de satisfaire les intérêts particuliers.
La Chambre de la représentativité : l’élaboration de la loi
Le décalage entre la composition du Parlement et celle du peuple français est un reproche constant adressé au gouvernement représentatif.
Le général de Gaulle prévoyait déjà, dans son discours de Bayeux, une représentation des intérêts dans une seconde Chambre où siégeraient « des représentants des organisations économiques, familiales, intellectuelles, pour que se fasse entendre, au-dedans même de l’État, la voix des grandes activités du pays. » Ce manque de représentativité se traduit aussi par un manque d’ouverture vers les composantes de la société, lors de l’élaboration des textes les concernant. Devant l’absence de consultation et le développement des défilés sur la voie publique, le monopole de la représentation nationale par le Parlement est gravement remis en cause.
La Chambre de la représentativité serait l’organe unique d’élaboration de la loi. Elle serait composée de 600 représentants élus à la représentation proportionnelle dans le cadre du département.
Ainsi, rien ne s’opposerait à la mise en place de quotas pour la constitution des listes. Bien évidemment le cumul des mandats ne se pose pas, car il renforce la représentativité de l’élu.
Le fonctionnement de cette assemblée pourrait connaître des innovations importantes.
Un premier élément serait le développement des études d’impact, c’est-à-dire une évaluation de la nécessité d’une loi nouvelle en fonction des normes existantes et des attentes de l’opinion publique.
Un deuxième élément serait le recours à internet.
La Chambre de la représentation : le vote de la loi
La nature des représentants siégeant dans cette Chambre repose sur la notion de représentation.
Alors que, dans la première Chambre, l’élu est avant tout proche des gens (le principe d’identité dominant sur le reste), dans la seconde Chambre, les élus sont différents et davantage imprégnés du sens de l’intérêt général. Leur mode de désignation pourrait être original, pour les couper de tout lien avec une circonscription territoriale, objet de toutes les sollicitudes particulières. Ce souhait était déjà formulé par les Grecs : en 505 avant J.-C., Clisthène avait exigé des circonscriptions abstraites, à la fois urbaines, rurales et de marins pêcheurs !
La présence d’Internet permet de recourir facilement à des circonscriptions virtuelles où l’élu serait coupé de tout lien territorial ou professionnel avec l’électeur. L’élection au scrutin majoritaire se ferait uniquement en fonction des programmes du candidat et de son sens de l’intérêt commun. Rousseau pourrait y retrouver son véritable sens de l’intérêt général. Il n’est pas interdit de penser que le vote pourrait se faire par internet soit au domicile de l’électeur, soit dans un bureau de vote. Les différentes expériences de ce type de vote montrent que les risques de fraude sont très limités. Quant à la rapidité des résultats, elle est difficilement comparable !
Bien évidemment, les élus de la Chambre de la représentation seraient astreints à une déclaration de patrimoine sous l’autorité d’une autorité indépendante. De même, il paraîtrait normal que ces élus ne puissent pas cumuler deux traitements, mais que leur rémunération soit conforme à leur statut.
En revanche, il ne serait bien évidemment question ni de quotas ni de cumul des mandats.
La troisième grande innovation de la Chambre de la représentation serait la création en son sein d’une Commission de la légistique, c’est-à-dire d’un organisme capable de traduire les termes complexes en langage simple. Par exemple, un contrat « synallagmatique » n’est autre qu’un contrat entre deux personnes, ou un contrat bilatéral. La légistique est ainsi définie : « La recherche de procédés, de règles et de formules, destinés à une rédaction correcte et à une meilleure appréhension des textes normatifs par l’harmonie, la clarté et le rejet des différences non fondées. »