Et si l’État n’était bientôt plus capable d’honorer ses promesses les plus élémentaires ? Derrière les grands discours budgétaires, un gouffre s’ouvre sous les pieds de la Sécurité sociale. Une faille qui pourrait engloutir, bien plus vite que prévu, la colonne vertébrale du modèle social français.
Crise budgétaire : la Sécu pourrait se retrouver à sec en 2027

2027, ce n'est pas que l'année de la prochaine élection présidentielle. C’est aussi peut-être l’année où la Sécu dira stop. Non pas parce qu’elle le veut. Mais parce qu’elle n’aura plus le choix. L’avertissement est lancé. Et cette fois, il ne vient pas d’un rapport confidentiel. Il est public, brutal, implacable.
Sécu : une trajectoire hors de contrôle, selon la Cour des comptes
C’est noir sur blanc dans le rapport annuel de la Cour des comptes, publié le 26 mai 2025. L’alerte est claire : la Sécurité sociale s’engage sur une pente budgétaire incontrôlée. Selon les mots mêmes des Sages, cette dérive « hors de contrôle » mène tout droit à « un risque de plus en plus sérieux de crise de liquidité », potentiellement dès 2027.
Autrement dit, l’Acoss, l’agence de trésorerie du système, pourrait ne plus réussir à emprunter suffisamment pour payer les assurés. « La taille du marché des capitaux à court terme […] pourrait ne pas être suffisante pour absorber le montant d'emprunt dont elle aura besoin », indique le rapport Ralfss de la Cour des comptes.
Jusqu’en 2024, le système tenait grâce à une mécanique bien huilée : la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale) absorbait la nouvelle dette en contractant des emprunts à moyen et long terme. Mais cette soupape est désormais hors service. La Cades a atteint son plafond. Impossible, dans l’état actuel de la législation, de lui en demander plus.
Résultat : c’est l’Acoss qui doit combler le vide… à court terme, avec des conditions de financement bien moins favorables. Une extension de la Cades est théoriquement possible, mais elle suppose une loi organique. Et comme l’a souligné Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, « cela paraît compliqué dans les conditions de température et de pression ».
Une dette qui explose, des dépenses qui dérapent
15,3 milliards d’euros de déficit pour la Sécurité sociale en 2024, soit 4,8 milliards de plus que prévu. Et ce n’est qu’un début. La prévision pour 2025 grimpe déjà à 22,1 milliards d’euros. À elle seule, la branche maladie pèse 90 % de ce trou budgétaire.
Les dépenses d’assurance maladie ne cessent de déraper : +8 % pour les indemnités journalières, +5,2 % pour les masseurs-kinésithérapeutes, +4,9 % pour les infirmiers, +4,6 % pour les médecins spécialistes. Sans parler du déficit des hôpitaux publics, estimé entre 2,8 et 3 milliards d’euros pour 2024, malgré une reprise de leur activité.
« Nous avons perdu le contrôle de nos finances publiques en 2023 et 2024 », a reconnu Pierre Moscovici, ajoutant : « La dette fragilise le modèle social, il faut arrêter de prendre ces sujets comme si c'était des questions annexes ».
La projection pour 2027 fait froid dans le dos : 89 milliards d’euros de besoin de financement pour l’Acoss, contre 20 milliards en 2024. Une multiplication par quatre en trois ans, que le marché des capitaux à court terme ne pourra probablement pas encaisser.
La Cour des comptes propose bien des solutions de bon sens : meilleure gestion des indus (18,9 milliards d’euros de prestations versées à tort), contrôle renforcé de l’intérim paramédical, ou encore redistribution du stock de masques chirurgicaux avant leur péremption. Mais aucune de ces pistes ne règle l’urgence structurelle.