Éphémérides. 4 décembre 1642 : Mort de Richelieu

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Par Philippe Delorme Modifié le 4 décembre 2017 à 12h26
Cardinal Richelieu

Le départ de l’homme en rouge

1642. Armand-Jean du Plessis, cardinal et duc de Richelieu, sera l’un des ministres les plus encensés de l’histoire de France. Et peut-être également le plus détesté. En imposant sa tyrannie à tous – et même à Louis XIII –, l’homme en rouge a préparé le grand siècle, celui de Versailles et du Roi-Soleil.

En ce début de l’hiver de 1642, le cardinal Premier ministre, au sommet de son pouvoir, « faisait de grands desseins pour le reste de sa vie », comme le rapporte Madame de Motteville. Éternel malade, Richelieu ne croyait pas la mort si proche. Cependant, trente années d’un labeur opiniâtre ont usé son organisme. À cinquante-sept ans, Richelieu n’est plus qu’un vieillard décharné et exsangue. Pendant la nuit du 30 novembre 1642, il crache du sang. Sa fièvre augmente, une douleur lancinante lui poignarde le côté. Il comprend alors que son heure a sonné, et l’accepte avec une admirable résignation. Se souvenant qu’il est prêtre et prince de l’Église, une phrase lui revient en mémoire, qu’il avait écrit autrefois : « Il suffit de s’établir plusieurs fois par jour dans la Présence divine et de n’accomplir aucun acte qui puisse la détruire. »

La foi de Richelieu est sincère, mais elle est orgueilleuse. N’a-t-il pas tout sacrifié pour la renommée de la France et des Bourbons ? À Louis XIII, qui vient le visiter au Palais-Cardinal – une aile de l’actuel Palais-Royal – le 2 décembre, le moribond se croit le droit d’affirmer : « En prenant congé de Votre Majesté, j’ai la consolation de laisser votre royaume dans le plus haut degré de gloire et de réputation où il ait jamais été... » Puis le cardinal, froid et lucide, interroge son médecin, qui lui confirme qu’il n’a plus qu’un jour à vivre. Il se confesse une première fois à Mgr Jacques Lescot, évêque de Chartres. Le curé de Saint-Eustache, sa paroisse, lui apporte ensuite le viatique et l’extrême-onction. Pour un catholique, c’est l’instant des bilans définitifs, des remords de conscience, des regrets ultimes. Richelieu, semble-t-il, meurt en paix avec lui-même. N’aurait-il pourtant jamais persécuté avec trop de haine ses ennemis personnels ? « Je n’en ai jamais eu d’autres que ceux de l’État », laisse tomber l’homme en rouge. Par ces mots, il livre son âme au seul jugement de la postérité.

Le 3 décembre, la médecine officielle renonce. Selon la coutume, elle abandonne le malade à un « empirique ». Ce Le Fèvre administre à Richelieu de mystérieuses pilules – sans doute de l’opium – qui lui apportent un soulagement provisoire. De nouveau, le roi passe une heure au chevet de son ministre. Dans le froid glacé du crépuscule, son carrosse regagne le Louvre voisin. Le cardinal s’éteindra le lendemain matin 4 décembre 1642, paisiblement. Lorsque le père Léon, supérieur des carmes, entre dans sa chambre, il a le temps de lui donner une dernière absolution. Il l’entend alors murmurer, en latin, les dernières paroles du Christ : « In manus tuas, Domine... Dans tes mains, Seigneur... je remets mon esprit. »

Pendant quatre jours, les Parisiens vont défiler devant la dépouille immense, drapée dans sa robe de pourpre avec, à ses pieds, la couronne ducale et le manteau de pair. Ce défunt, que tout le monde exécrait, laisse un vide angoissant. Ambitieux, orgueilleux jusqu’à la démesure, fourbe, cruel et dominateur, le cardinal cultivait tous « les vices que la grande fortune rend aisément illustres ». Certes, on aurait pu imaginer une politique moins belliqueuse, et plus soucieuse du bien-être des Français. Néanmoins, son génie politique a sauvé le royaume du désordre, et peut-être même de la dislocation, Il a rabaissé la superbe des grands du royaume, il a détruit le parti huguenot, il a combattu les Habsbourg sans relâche. Résumant l’opinion générale, le pape Urbain VIII dira, en apprenant la mort de son vieil adversaire : « Se gli è un Dio, lo pagara ! Ma veremente se non c’è Dio, galant uomo ! [S’il y a un Dieu, il va payer ! Mais, vraiment, s’il n’y a pas de Dieu, le fameux homme !] »

Ceci est un extrait du livre « Petites histoires du quotidien des Rois : l'AUTOMNE » écrit par Philippe Delorme paru aux Éditions VA Press. (ISBN-13: 979-1093240282). Prix : 14,90 euros.

Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation de l'auteur et des Éditions VA Press.

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Philippe Delorme est historien et journaliste. Il est titulaire d'un diplôme d'études approfondies (DEA) en histoire de l'université Paris IV-Sorbonne, il s’est spécialisé dans l'étude des dynasties royales dont il est un spécialiste unanimement reconnu.Jusqu'en 2015, il est grand reporter à Point de vue. Depuis mars 2016, il publie une chronique historique dans l'hebdomadaire Valeurs Actuelles. Il a signé une trentaine de livres traitant des grands destins et des dynasties souveraines, passées et présentes. Il est en particulier le promoteur des recherches génétiques sur le cœur de Louis XVII, réalisées en 2000. En 2013, il publie l'ensemble de ses critiques concernant la controverse autour de la tête d'Henri IV, dans un livre intitulé La Mauvaise tête de Henri IV : contre-enquête sur une prétendue découverte. Il est enfin l'auteur de Philippe d'Edimbourg : Une vie au service de Sa Majesté, n°1 des ventes Amazon en Grande-Bretagne.Il a été plusieurs fois invité par Franck Ferrand à l’émission Au cœur de l'histoire sur Europe 1, ainsi que dans l'émission télévisée Secrets d'Histoire de Stéphane Bern.

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