Le Parlement belge a abrogé, le 15 mai, la loi de 2003 qui prévoyait une sortie progressive du nucléaire d’ici la fin de cette année. Ce revirement, validé dans un climat politique tendu, rebat les cartes de la stratégie énergétique nationale.
La Belgique abroge sa loi de sortie du nucléaire

Un parlement convaincu par la relance du nucléaire en Belgique
Dans l’hémicycle de la Chambre des représentants, la majorité n’a pas tremblé. La proposition de loi portant sur « diverses dispositions en matière d’énergie nucléaire » a été adoptée par 102 voix pour, 8 contre et 31 abstentions. Ce texte enterre la référence à une sortie de l’atome en 2025, efface l’interdiction de construire de nouvelles installations nucléaires et ouvre la voie à une extension de la durée de vie des réacteurs encore en service.
Concrètement, la Belgique ne se contentera plus de maintenir en vie ses installations existantes, elle pourra en développer de nouvelles. Et ce, malgré un passé où la pression écologiste avait dicté un cap opposé. La loi de 2003, portée par une coalition incluant pour la première fois les partis verts (Ecolo et Groen), visait à fermer les sept réacteurs répartis sur les sites de Doel et de Tihange.
Nucléaire : un retour légitimé par la crise énergétique et géopolitique
Mais entre les promesses de transition et la réalité énergétique, un gouffre s’est creusé. Le ministre de l’énergie, Mathieu Bihet, s’est félicité du vote, saluant dans Le Monde un tournant « vers un modèle énergétique réaliste et résilient ». Un vent de pragmatisme souffle désormais sur la Belgique. Le choc de l’invasion russe en Ukraine en 2022, la flambée des prix du gaz, et les tensions d’approvisionnement ont fragilisé la doctrine antinucléaire.
La relance du nucléaire s’est alors imposée comme un rempart contre la dépendance énergétique. La Belgique suit ainsi les pas de l’Italie, des Pays-Bas et de la Suède, qui ont également réintégré l’énergie atomique dans leur mix énergétique. Le contexte local renforce cette dynamique. Un accord conclu en 2023 entre l’État belge et Engie, l’exploitant français du parc nucléaire belge, avait déjà acté la prolongation de deux réacteurs jusqu’en 2035. Le vote du 15 mai parachève cette mue.
L’opposition crie à la régression, la majorité assume une rupture
Le retournement n’a pas manqué de provoquer des remous. Les partis écologistes, marginalisés dans l’actuelle coalition, dénoncent une trahison des engagements climatiques. Pour Ecolo et Groen, cette décision est « un signal désastreux envoyé à la jeunesse », peut-on lire sur le site 7sur7.be. Le Parti socialiste (PS) et le Parti du travail de Belgique (PTB) ont préféré l’abstention, critiquant une décision prise sans véritable débat démocratique.
Mais la majorité actuelle, conduite par le conservateur flamand Bart De Wever, affiche ouvertement sa volonté de remettre en cause ce qu’elle qualifie de « dogme énergétique dépassé ». La construction de nouvelles centrales n’est plus taboue. Le développement des petits réacteurs modulaires (SMR) est même évoqué, avec l’ambition d’une filière « innovante et stratégique » pour la Belgique.
L’énergie nucléaire, une nécessité économique et stratégique ?
Au-delà des postures politiques, l’abandon de la sortie du nucléaire repose sur une vision économique et industrielle. Le gouvernement espère attirer des investissements dans la recherche et la production énergétique de nouvelle génération. L’objectif affiché est double, sécuriser l’approvisionnement et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une ligne directrice déjà esquissée dans le cadre des objectifs climatiques de l’Union européenne.
Cependant, cette réorientation soulève une interrogation majeure : la Belgique a-t-elle vraiment les moyens industriels et financiers de relancer une filière aussi lourde ? Les coûts de prolongation, de démantèlement des installations vieillissantes, et de construction de nouveaux réacteurs pourraient rapidement atteindre plusieurs milliards d’euros.